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La France plus homophobe ?
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La France plus homophobe ?

Bonjour à tous ! Chaque lundi nous vous envoyons un “Édito” au format écrit 📝👇 ET audio 🎧☝️, pour à la fois mettre la semaine à venir en perspective et rappeler les contenus mis en ligne la semaine précédente.

Aux États-Unis, l’homophobie n’a cessé de reculer depuis une vingtaine d’années. On s’en souvient à peine, mais en 2004, l’un des thèmes de campagne de George W. Bush face au démocrate John Kerry était l’idée d’inscrire dans la Constitution l’interdiction de fait du mariage pour tous. Cette thématique de campagne avait contribué à mobiliser un électorat conservateur encore ouvertement homophobe.

Mais en quelques années, les choses ont changé du tout au tout. Ce fameux amendement n’a jamais été rédigé. De nombreux États ont adopté des règles permettant le mariage pour tous. En 2015, la Cour suprême a jugé que, pour des personnes de même sexe, se marier était un droit dans tous les États-Unis. Plusieurs personnalités politiques, comme les sénatrices Tammy Baldwin et Kyrsten Sinema ou le gouverneur du Colorado Jared Polis, ont remporté des victoires électorales après s’être ouvertes de leur homosexualité. Et en 2016, l’entrepreneur et investisseur Peter Thiel, par ailleurs proche de Donald Trump, a été la première personnalité de l’histoire à se présenter comme gay à la tribune d’une convention du Parti républicain.

La France, en revanche, semble prendre du retard. On trouve bien quelques personnalités du monde des médias (Laurent Ruquier), du sport (Amélie Mauresmo) ou de la politique (Bertrand Delanoë) qui ont fait leur coming out. Mais ceux-là refusent d’être considérés comme des symboles ou des activistes, insistant sur cette vision bien française de la séparation stricte entre la vie publique et la vie privée.

Plus nombreux encore sont les cas de personnalités dont l’homosexualité est de notoriété publique et bien vécue par les intéressés eux-mêmes, mais reste passée sous silence dans les médias. Richard Descoings, le directeur de Sciences Po tragiquement disparu en 2011 (auquel j’avais consacré un hommage en 2015), était de ceux-là. Tout le monde à Sciences Po, étudiants compris, savait qu’il se disait lui-même gay, en toute décontraction. Mais il a fallu attendre longtemps (en l’occurrence la parution du livre Richie de Raphaëlle Bacqué) avant que les médias en fassent état – alors qu’il était un personnage public partageant lui-même tout cela en public !

Les mêmes pudeurs bien françaises sont visibles dans le monde du travail. Selon une étude réalisée par le Boston Consulting Group en partenariat avec Têtu, commentée par Laetitia ici,

En octobre 2020, une étude BCG / Têtu sur l’inclusion des LGBTQ+ en entreprise a fait grand bruit en mettant en avant une « inquiétante régression » en la matière depuis 2018. « Seul·e·s 43% des LGBTQ+ sont out au travail, soit 11 points de moins qu’en 2018 ». Dans la 5ème édition de son baromètre sur les perceptions et attentes des LGBTQ+ en entreprise, on souligne que c’est la première fois depuis 2014, qu’il y a une dégradation du sentiment d’inclusion.

Comment expliquer ce retard français – et, surtout, le fait qu’il s’aggrave pendant la pandémie, contribuant probablement à la multiplication des suicides chez les personnes LGBT, encore plus que dans le reste de la population ? Il y a plusieurs raisons qui se combinent les unes aux autres.

  • Le fait que le mariage pour tous ait été mis en place par la gauche a compliqué la formation d’un consensus national autour de ces questions. La France tranche avec d’autres pays, comme le Royaume-Uni, où ce sont des dirigeants politiques de droite qui ont fait progresser les choses.

  • La Manif pour tous a créé un espace médiatique qui lui a survécu, aujourd’hui occupé par des personnalités comme Éric Zemmour, qui continue d’entretenir un sentiment homophobe dans certaines parties de la société française.

  • La France est un pays si centralisé et si stratifié qu’il est possible pour les membres de l’élite de vivre tranquillement leur homosexualité à Paris, sans qu’ils jugent nécessaires d’envoyer un signal au reste du pays en faisant leur coming out.

  • Enfin, la France est un pays où le non-dit fait partie de la communication. Comme Laetitia l’expliquait il y a quelques mois, dans notre culture, “le contexte joue un rôle important. Les messages sont plus implicites et les individus doivent lire entre les lignes (comprendre le message grâce au contexte ou au langage corporel)”.

Le résultat, c’est que la dénonciation à voix haute de l’homophobie rampante par des personnalités comme Alice Coffin, qui a récemment publié Le Génie lesbien, est vite qualifiée de “communautarisme” :

La France s’arc-boute sur cette expression vide de sens, “communautarisme”, et sur un roman national mal digéré. La société française conditionne les personnes publiques à ne pas se revendiquer d’un groupe particulier, à se fondre dans un moule général qui serait celui de la citoyenneté.

La situation est dangereuse car la bienveillance vis-à-vis des personnes LGBT ne peut pas être tenue pour acquise. Dans un article récent, l’hebdomadaire The Economist décrit l’intolérance dont fait l’objet l’homosexualité tout près de chez nous, dans les pays d’Europe de l’Est. Dans sa série vidéo Empire of Dirt, la journaliste de Vice UK Zing Tsjeng rappelle que l’interdiction des relations homosexuelles est encore en vigueur, parfois sous peine d’emprisonnement voire de mort, dans de nombreux pays d’Asie et d’Afrique – un héritage délétère de la colonisation par la Grande-Bretagne. Surtout, aux États-Unis mêmes, plusieurs juges à la Cour suprême ont récemment signalé qu’ils n’attendaient qu’une occasion pour remettre en question l’acquis que semblait pourtant être devenu le mariage pour tous dans tout le pays.

Dans ce contexte délétère, la France va-t-elle enfin affronter son problème avec cette formule creuse de “communautarisme” et reconnaître qu’elle lui fait prendre du retard dans la lutte contre l’homophobie ?

Il y a quelques semaines, j’ai interviewé Albin Serviant, repreneur et dirigeant du magazine et de la marque Têtu 👉 Écoutez notre conversation 🎧 Relancer une marque puissante : Têtuaccessible à tous.

La semaine dernière, l’une de nos conversations “À deux voix” était consacrée au souvenir de la mobilisation des malades du sida dans les années 1980 et 1990 👉 Écoutez 🎧 Après la pandémie, la mobilisation des patients ?réservé aux abonnés.

✋ L’ambivalence du protectionnisme

Mardi 1er décembre | Podcast “À deux voix” 🎧 sur la montée du protectionnisme et son ambivalence. Pourquoi les crises sanitaire et économique ont-elles ravivé les discours protectionnistes ? Est-ce seulement un phénomène conjoncturel ou bien le protectionnisme est-il notre nouvel horizon ? Laetitia et moi en discutons en revenant sur l’histoire du protectionnisme et ses inflexions récentes.

🌐 L’état du monde : regard sur trois continents

Mercredi 2 décembre Interview de Bruno Maçães, ancien ministre portugais et auteur de plusieurs livres sur la Chine, l’Asie et les États-Unis. Dans une interview réalisée par Laetitia pour Building Bridges, il livre sa vision d’un monde en profonde transformation, où la pandémie accélère un rapprochement entre l’Europe et l’Asie tandis que les États-Unis s’échappent dans une réalité virtuelle.

🙃 La vie périurbaine

Jeudi 3 décembre | Podcast “À deux voix” 🎧 sur la sociologie urbaine et périurbaine. En quoi la vie périurbaine de ces zones résidentielles, pavillonnaires est-elle différente en Europe et aux États-Unis ? Et de quelle manière est-elle en train de changer ? Laetitia et moi revenons sur notre migration récente du centre vers la périphérie et sur le contexte historique des transformations à l’oeuvre.

⚠️ Attention, cette semaine nous modifions un peu notre grille ! La transcription intégrale de l’interview de Bruno sera envoyée mercredi à nos seuls abonnés, accompagnée d’une note de lecture de son dernier ouvrage History Has Begun. Ensuite, quelques extraits de cette interview seront envoyés à tous lundi prochain, en plus de l’Édito de la semaine. Nous passons donc à un seul mail hebdomadaire (le lundi) pour les inscrits à notre liste de diffusion ! Si vous voulez ne rien manquer des contenus à venir cette semaine, il est temps de vous abonner à Nouveau Départ 😘

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🏬 Commerce de détail et différences culturelles

Le commerce de détail diffère radicalement d’un pays à l’autre. Certaines enseignes de grande distribution sont présentes dans plusieurs pays. Pourtant, malgré la mondialisation, la grande distribution reste un univers très fragmenté, tant il reflète les différences culturelles entre pays. Laetitia et moi discutons ce sujet autour de deux exemples : Walmart (États-Unis) et Aldi (Allemagne).

👉 Écoutez 🎧 Commerce de détail et différences culturelles (conversation “À deux voix”)—réservé à nos abonnés.

👩🏼‍💻 Une école de code féministe

Il y a aujourd’hui trop peu de femmes qui codent. Pourtant, l’histoire de l’informatique compte des figures féminines essentielles, dont Ada Lovelace (la fille de Lord Byron, le grand poète anglais) dont on dit qu’elle est à l’origine du premier programme informatique. Quand elle a créé son école de code féministe, Chloé Hermary a choisi de rendre hommage à Ada et toutes ces femmes oubliées. Chloé nous parle de son parcours, de féminisme, de son école et de ses projets. 

👉 Écoutez 🎧  Une école de code féministe (conversation avec Chloé Hermary)—accessible à tous.

✊ Après la pandémie, la mobilisation des patients ?

Les patients connectés entre eux grâce à Internet sont un moteur puissant de transformation du système de santé. À cet égard, la pandémie de Covid-19 fait écho à ce qui s’est produit dans les années 1980 et 1990 avec l’épidémie de sida. Les “long haulers”, ces patients touchés par le coronavirus qui souffrent pendant des mois de fatigue chronique ou ont des séquelles neurologiques, s’organisent entre eux et font avancer les soins et la prise de conscience.

👉 Écoutez 🎧  Après la pandémie, la mobilisation des patients ? (conversation “À deux voix”)—réservé à nos abonnés.


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