Notre premier podcast “À deux voix” 🎧 de la semaine est consacré aux transformations du travail et du commerce.
Quelles sont les transformations à l'œuvre dans le monde du travail ? Et quel est leur impact sur le monde du commerce de détail ?
La pandémie révèle et accélère une série de transformations sociales et économiques, parmi lesquelles la montée du télétravail, la désagrégation du salariat traditionnel, la numérisation de certaines expériences de travail, mais aussi la croissance exponentielle du commerce en ligne et des nouveaux modes de consommation. On a tendance à distinguer les transformations du travail et celles de la consommation et du commerce, comme elles n’étaient pas profondément liées.
De plus en plus, les changements du monde du travail influencent le commerce et la distribution. (L’inverse est vrai aussi car les consommateurs voudraient être “acteurs”, les utilisateurs “travaillent” en produisant des données qui permettent aux entreprises de créer de la valeur et les recruteurs doivent adopter les méthodes du marketing pour améliorer leur “marque employeur”.)
La croissance du télétravail provoque un déplacement de la consommation des espaces collectifs vers la sphère domestique.
La montée du télétravail préexiste largement à la pandémie, mais cette dernière l’a accélérée de plusieurs années. Elle a aussi rendu visible ce que l’on refusait de voir : la sphère domestique est devenue le premier espace productif, loin devant les usines et les bureaux (c’est aussi le lieu de travail des travailleurs domestiques invisibles que sont les assistantes de vie, les nounous ou certaines femmes de ménage et prestataires de services).
Un certain nombre des choses que l’on consommait sur son lieu de travail (papier toilette, repas dans les restaurants, fauteuils ergonomiques…) sont désormais consommées chez soi. Ce déplacement spatial transforme aussi ce que l’on consomme (moins de maquillage et de chaussures en cuir, plus de hygge).La redistribution spatiale, la croissance des villes secondaires, et un relatif repeuplement de certaines zones rurales changent la donne pour les acteurs de la distribution. Ainsi, pour prendre l’exemple du Royaume-Uni où j’ai habité jusqu’au printemps 2020, les petits commerces de la City périclitent tandis que ceux de Hackney ou de Wembley gagnent des nouveaux clients (télétravailleurs qui passent plus de temps dans les quartiers résidentiels).
La gig economy et la logistique du dernier kilomètre sont intimement liées.
En matière de travail, le modèle des années 1960, c’était General Motors. Premier employeur américain, ce géant de l’automobile (comme tous ses concurrents) a profondément façonné le travail et imposé le modèle d’un contrat salarial vertueux où subordination et division du travail avaient pour contreparties sécurité de l’emploi, bonne retraite, assurance santé et syndicats puissants.
Aujourd’hui, ce salariat traditionnel a beaucoup décliné. Les deux premiers employeurs américains sont Walmart et Amazon. En fait, si l’on regarde le travail plutôt que l’emploi, alors c’est Amazon qui est loin devant. Une armée d’entrepreneurs, de slashers, de “consommateurs” de travail éloignés de la sécurité d’un emploi salarié de type industriel fournit cette main-d'œuvre flexible et bon marché qui permet le développement de la logistique du dernier kilomètre.C’est sur ce dernier modèle que la logistique du dernier kilomètre a connu l’essor que l’on connaît ces dernières années. Ce modèle de travail a provoqué une chute des coûts qui a permis ce “paradis du consommateur” où tout peut être livré à domicile à un prix très abordable. La plupart du temps, on en parle dans l’autre sens, comme Denis Pennel pour qui Le paradis du consommateur est devenu l’enfer du travailleur (2021) : “Une nouvelle ère où le consommateur, devenu roi, impose aux entreprises de se réorganiser pour devenir plus agiles…”
Notre soif d’artisanat transforme autant le travail que la consommation.
David Graeber, l’anthropologue à qui on doit l’expression bullshit jobs est décédé en 2020, mais ses idées trouvent encore plus d’écho pendant la crise actuelle. Face aux drames provoqués par la crise actuelle, aux dangers liés au réchauffement climatique, le désir des travailleurs d’avoir de « l’impact » au travail ne fait que prendre de l’ampleur. C’est aussi que la division du travail et la subordination n’ont plus rien d’attractif sans les contreparties fordistes qui y étaient associées (bon salaire, syndicats puissants…)
Les valeurs artisanales animent les transformations de l’organisation du travail et du management. L’artisanat, ce sont des principes et des valeurs qui vont au-delà de l’artisanat au sens strict : plus d’horizontalité (avec les outils numériques), de créativité (personnalisation), de responsabilité et d’autonomie au travail. On voudrait “réconcilier la tête et les mains”, faire soi-même. Et quand ce n’est pas au travail qu’on satisfait ce besoin, alors ça sera dans les loisirs. La quête des valeurs artisanales infuse le monde de la consommation. D’ailleurs les néo-artisans comptent bien sur les travailleurs urbains en quête de sens.
À bien des égards, l’année 2020 aura aussi été celle de l’activisme (anti-raciste, féministe, écologique) qui change les codes du monde de l’entreprise. On demande plus de transparence à son employeur (sur la diversité ou sur l’impact environnemental, par exemple). L’activisme du travailleur rejoint celui du consommateur et des nouvelles alliances seront imaginées demain qui ne laisseront pas intact le monde de la distribution.
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(Générique : Franz Liszt, Angelus ! Prière Aux Anges Gardiens—extrait du disque Miroirs de Jonas Vitaud, NoMadMusic.)