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Après David Graeber, où sont les anarchistes ?
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Après David Graeber, où sont les anarchistes ?

Bonjour à tous ! Chaque lundi nous vous envoyons désormais un “Édito” au format écrit 📝👇 ET audio 🎧☝️, pour à la fois mettre la semaine à venir en perspective et rappeler les contenus mis en ligne la semaine précédente.

Voici le troisième “Édito” de cette nouvelle saison, en forme d’hommage à l’anthropologue David Graeber, décédé il y a quelques jours.

David Graeber, l’anthropologue brillant et provocateur à qui on doit le concept des bullshit jobs, est mort la semaine dernière. Son décès a suscité en France une vague d’émotion peu habituelle pour un intellectuel étranger (Graeber était américain, diplômé de Yale, exilé depuis quinze ans au Royaume-Uni, où il enseignait à la London School of Economics). La raison de cette émotion, que je partage, c’est que Graeber remplissait un rôle indispensable que trop peu d’intellectuels français remplissent aujourd’hui : celui de l’anarchiste.

Avec une érudition hors pair et une intelligence implacable, David Graeber n’a eu de cesse de révéler les structures du pouvoir, les manières dont elles se perpétuent et les mécanismes de domination qu’elles entretiennent. Ses analyses sur l’histoire de la dette, la bureaucratie, la nature de l’argent, ou encore la “valeur” du travail, servent à contester la légitimité du pouvoir en place. Il pointait du doigt la ploutocratie comme le patriarcat. Figure tutélaire du mouvement Occupy Wall Street en 2011, il a donné sa voix, sur la place publique, à la contestation du pouvoir financier.

Il y a une forme de paradoxe dans la popularité de David Graeber. Ses bullshit jobs, par exemple, sont devenus mainstream, mais on les a appauvris en les réduisant au malaise de ceux qui s’ennuient au bureau et à la “quête de sens” des travailleurs. La popularité édulcore la radicalité. Ceux qui dominent s’approprient ces idées pour mieux en neutraliser la puissance contestataire – comme le monde de la publicité et l’entreprise se sont approprié les symboles des mouvements contestataires des années 1970 pour mieux les “recycler” (greenwashing, social washing…).

Mais cette popularité est également le signe que Graeber satisfaisait notre besoin irrépressible de dénoncer un pouvoir illégitime, de dire “merde”, et de choquer les “légitimistes”, ceux qui ne voient pas les mécanismes de domination dans la société et ceux qui défendent activement le statu quo. L’intellectuel anarchiste est un poil à gratter, fait pour provoquer des irritations et des démangeaisons chez les uns, et de la Schadenfreude chez les autres (la joie qu’on éprouve quand, à la lecture, on imagine les démangeaisons des premiers).

David Graeber me manquera d’autant plus qu’il poussait l’anarchisme jusqu’au féminisme. Or l’histoire de l’anarchisme français ne brille pas par son féminisme. En tant que Français, on peut tirer une certaine fierté d’avoir Pierre-Joseph Proudhon et “la propriété, c’est le vol” en héritage. Mais Proudhon était misogyne même pour son époque. Pour ce qui était de la famille et du foyer, Proudhon était absolument “légitimiste”. Pour lui, la place légitime des femmes n’était pas à l’usine mais à la maison. Convaincu de l’infériorité naturelle des femmes, il les pensait incapables de produire des idées. 

Les analyses de Graeber étaient, elles, profondément féministes. Ce féminisme est l’une des choses à côté desquelles sont passés beaucoup des hommages qui lui ont été rendus ces derniers jours. Sa théorie des bullshit jobs en est une bonne illustration. Elle révèle une division sexuelle du travail qui réserve les métiers du soin (santé, éducation) ou de l’entretien (ménage) aux femmes, mais refuse de les valoriser. Elle questionne, par exemple, la vision que nous avons de la “vocation” des enseignants ou des soignants dont la récompense essentielle est censée se trouver au-delà des conditions d’exercice de leur travail. 

Bien sûr, les analyses de Graeber, sur le féminisme ou les bullshit jobs, ne sont aucunement des systèmes parfaits. Elles présentent de nombreuses limites. Mais elles sont un poil à gratter dont l’effet est de questionner les structures de notre société, de cultiver notre esprit critique et d’engendrer de nouvelles formes de contestation. Alors que la France, comme d’autres pays de l’OCDE, voit se creuser les inégalités de richesse et alors que les mécanisme de reproduction sociale se renforcent, on a plus que jamais besoin de Graeber et de tous les anarchistes qui voudront prendre sa suite. 

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