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Un paradigme est une vision du monde
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Un paradigme est une vision du monde

Chaque lundi nous vous envoyons à la fois un “Édito”, une interview avec un·e invité·e passionnant·e (francophone ou non) et quelques informations pour mettre la semaine à venir en perspective et rappeler les contenus mis en ligne la semaine précédente.

À l’agenda aujourd’hui 👇

  • Mon “Édito” sur les startups et les entreprises traditionnelles

  • Bénédicte Tilloy sur son expérience des deux mondes

  • Nos conversations à venir cette semaine

  • Ce que vous avez peut-être manqué la semaine dernière

On oppose souvent les entreprises traditionnelles aux startups. Les unes sont rigides, les autres sont agiles. Les unes sont centralisées, les autres distribuées. Les unes sont incapables de se réinventer tandis que les autres parviennent à innover en permanence. Pas étonnant que les startups finissent toujours par l’emporter !

La réalité, évidemment, est plus contrastée. Beaucoup de startups, au-delà des apparences, n’innovent pas tant que cela, et la façon de manager de leurs fondateurs n’est pas aussi décontractée et bienveillante qu’il y paraît. Quant aux entreprises traditionnelles, il est un peu hâtif de les déclarer incapables d’innover. Beaucoup d’entre elles, de Lego à LVMH, en passant par Ikea (à laquelle nous consacrons un épisode de notre podcast “À deux voix” cette semaine 🎧) ont déjà su se réinventer plusieurs fois dans leur histoire.

Il faut donc y regarder de plus près. Une première observation, c’est que les startups et les entreprises traditionnelles n’en sont pas au même stade de développement. Cela explique une bonne partie des différences visibles de l’extérieur. Les entreprises traditionnelles sont souvent âgées de plusieurs décennies ; elles ne sont souvent plus dirigées par leurs fondateurs et se focalisent sur des enjeux d’optimisation, caractéristiques de leur grande taille, plutôt que sur des enjeux d’innovation. Les startups, quant à elles, sont, selon la définition de Steve Blank, des organisations précaires encore en quête de leur modèle d’affaire ; l’incertitude radicale à laquelle elles sont confrontées dans cette quête explique leur propension à innover !

Au passage, on parle beaucoup des startups mais on parle moins de ce que les startups deviennent lorsqu’elles finissent par découvrir leur marché et à atteindre le stade de la maturité. On ne compte plus les considérations sur le fait que la décontraction et la propension à innover se perdent en route lorsque ces startups deviennent finalement des grandes entreprises. Les témoignages abondent à ce sujet, par exemple sur les cas de Facebook, Amazon, Uber ou Google.

Un autre élément à garder en tête, c’est que la différence entre les startups et entreprises numériques, d’une part, et les entreprises traditionnelles, d’autre part, ne tient pas tant à la substance de l’activité des entreprises de l’une et l’autre catégorie qu’à la compréhension de cette substance. Un paradigme, après tout, n’est qu’une représentation du monde. Et lorsque nous changeons de paradigme, comme lors du passage de l’économie fordiste à l’économie numérique, ce n’est pas tant le monde qui change que l’interprétation que nous en faisons ! Dès qu’un nouveau paradigme s’impose, nous voyons les choses différemment, sous un nouvel angle, et nous en tirons des conclusions différentes – comme à l’époque où le paradigme de la physique quantique a remplacé celui de la physique newtonienne.

Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un débat théorique sur la meilleure interprétation du monde dans cette période de transition. Le fait qu’une interprétation du monde l’emporte sur une autre a, au contraire, des conséquences très concrètes. Une grande entreprise traditionnelle qui se croyait à l’abri de toute menace va trébucher puis s’effondrer faute d’avoir opté pour une interprétation de la situation de son marché en phase avec le paradigme de l’économie numérique. Des entreprises comme Kodak, Toys’R’Us et bien d’autres peuvent témoigner du prix à payer lorsqu’on commet une simple erreur d’interprétation de ce qui se passe du fait de la transition numérique.

Les conséquences sont encore plus visibles lorsqu’il s’agit non plus d’entreprises, mais de l’État. La plupart des individus, de nos jours, ont été transformés par leurs interactions avec des entreprises numériques. Ils considèrent, à juste titre, qu’il est normal d’être servi plus vite, pour moins cher et avec une qualité qui va croissant. Si les grandes entreprises numériques y parviennent, pourquoi pas les administrations publiques ? C’est particulièrement vrai en période de pandémie : nous n’en pouvons plus de la difficulté à accéder à l’information, des mesures uniformes, de l’impossibilité de personnaliser l’expérience quand il s’agit de prendre en charge les malades, de prescrire des mesures de précaution, d’organiser la vaccination.

Le prix à payer pour cette incapacité, de la part de l’administration, à offrir aux administrés une expérience de qualité exceptionnelle, c’est l’effondrement de la confiance. Mieux nous sommes servis par les startups et les entreprises numériques, moins nous comprenons l’incapacité de l’État à se hisser au même niveau s’agissant de la capacité à innover et à servir ses usagers.

C’est pourquoi, dans cette période de pandémie, il est d’autant plus important d’écouter tous ceux qui ont fait l’expérience de ces deux univers : celui des startups mais aussi celui des organisations traditionnelles. C’est le cas de Bénédicte Tilloy, auteure du livre La Team. Le jour où j’ai quitté mon Comex pour une startup, que Laetitia a interviewée la semaine dernière.

Je vous encourage à écouter leur échange, qui vous aidera à saisir les différences mais aussi les similitudes entre deux univers pas si éloignés l’un de l’autre – et, qui sait, vous donnera les clefs pour passer à l’action dans une période où il est temps de régler les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Bonne écoute !

Bénédicte Tilloy, ex-dirigeante à la SNCF (elle a été DRH de SNCF Réseaux et patronne du Transilien), a décidé, un beau jour, de lâcher son Comex pour travailler dans une startup. Elle en a tiré un livre savoureux, La Team. Le jour où j’ai quitté mon Comex pour une startup, paru chez Dunod en février 2021.

Et si on arrêtait d’opposer de manière binaire le monde des startups et celui des grands groupes ? En réalité, ils ont tant à apprendre l’un de l’autre. Bénédicte est bien placée pour créer des ponts entre les deux.

Quitter le Comex d’une grande entreprise comme la SNCF pour une startup, ce n’est pas courant. En France, le parcours de Bénédicte Tilloy est franchement unique. Au cours d’une carrière que l’on peut qualifier de “brillante” au sein de l’une des entreprises françaises les plus emblématiques, elle a forgé une expertise en matière de dialogue social et approfondi des réflexions de terrain sur la transformation d’un groupe, l’intelligence collective, la transition numérique et les limites du management vertical hérité du paradigme de l’industrie fordiste.

Quand elle a quitté la SNCF, elle a rejoint une jeune startup de la nouvelle économie où elle est restée deux ans. De ce choc des cultures et des générations est né un blog, puis le livre La Team, illustré de ces propres aquarelles. Récit cocasse et profond d’une “sage” qui connaît les deux mondes et sait se moquer d’elle-même. Organisé sous la forme d’une série à “saisons” avec des épisodes qui sont autant d’occasions de distiller des réflexions sur le management en startup et en grand groupe, la culture d’entreprise, ou encore le dialogue social…

Après 27 ans dans un grand groupe public à la culture très verticale, tout en haut de la pyramide, sur des jobs que l’on qualifiera d’exigeants, j’ai ressenti le besoin de passer à autre chose, de “rebooter” ma vie professionnelle, en quelque sorte. La vie des entrepreneurs me fascinait depuis longtemps, et je me disais souvent, que si j’avais 30 ou 20 ans de moins, j’aurais tenté l’aventure. À force de lire et d’entendre raconter la légende des startuppers et eu la chance de rencontrer ceux d’entre eux qui avaient particulièrement bien réussi, je m’étais fait un petit film dans ma tête. Certes, cela tenait beaucoup du fantasme, mais cela me permettrait de penser à autre chose pendant certaines trop longues réunions ou de calmer ma frustration de ne pas voir certains projets avancer au rythme où je l’aurais voulu : j’étais d’autant plus hardie dans mes élucubrations que j’étais loin de penser que l’occasion me serait donnée de me confronter à mes idées folles.

On a tort d’opposer les deux mondes de manière aussi simpliste qu’on a tendance à le faire. Sur le sujet du dialogue social, par exemple, les leçons que tirent Bénédicte sont nuancées. “Le dialogue social n’est pas un truc ringard”“Que l’entreprise soit grande ou petite, horizontale ou verticale, elle ne peut échapper aux moments de vérité auxquels les salariés choisissent de l’exposer.” Les startups en tirent aujourd’hui les conséquences avec le mouvement #BalanceTaStartup.

On voudrait que les grandes entreprises et les startups s’opposent en tout. On s’attendrait à ce que les premières aient le monopole des crises de sens et les secondes celui du bonheur au travail. La vérité, c’est que coexistent de part et
d’autre toutes les nuances. Il n’y a ni gentille petite startup, ni méchant grand groupe.

Dans cette interview, Bénédicte revient sur son parcours et ses expériences multiples, l’écriture de son livre et l’utilisation des aquarelles dans son travail, les ressources humaines, le management en startup et grand groupe, le sujet du dialogue social et aussi ses projets actuels.

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(Générique : Franz Liszt, Angelus ! Prière Aux Anges Gardiens—extrait du disque Miroirs de Jonas Vitaud, NoMadMusic.)

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