Notre second podcast “À deux voix” 🎧 de la semaine est consacré à la manière dont la pensée économique hétérodoxe peut nous aider à affronter les grands défis du siècle (comme le réchauffement climatique). Nous parlons en particulier du travail de l’économiste Mariana Mazzucato.
Parmi les économistes dits “hétérodoxes”, Mariana Mazzucato, professeure à University College London, fait partie de ceux (celles) que l’on cite le plus souvent ces temps-ci. Elle est même devenue, au cours des dernières années, l’une des personnes les plus influentes dans le monde de l’économie.
C’est pour cela (et parce que nous l’admirons personnellement) que nous lui avons déjà consacré plusieurs contenus sur Nouveau Départ :
un épisode de notre podcast “À deux voix” intitulé “Les économistes nous fatiguent” ;
une interview de Mariana Mazzucato elle-même réalisée après la sortie de l’un de ses livres en France.
La crise actuelle semble donner raison à ces économistes hétérodoxes qui remettent en question la définition et la mesure de la valeur, ainsi que le dénigrement du rôle de l’État. C’est le sujet central de l’ouvrage de Mariana, L'État entrepreneur: Pour en finir avec l'opposition public privé, publié en anglais en 2013 mais finalement paru en France il y a seulement quelques mois (Fayard, 2020).
Voici ce que nous avons écrit à propos de cet ouvrage pour introduire l’interview mise en ligne il y a quelques semaines :
Mariana est partie en guerre il y a sept ans contre cette vision réductrice du rôle de l’Etat. Dans son livre, un best-seller mondial, elle montre que l’État a toujours joué un rôle déterminant dans les grandes vagues d’innovation. Un exemple qu’elle a popularisé est l’iPhone, dont la plupart des composants sont issus d’initiatives de l’État fédéral américain, notamment à finalité militaire.
Nous autres Français avons vite fait de prendre ce propos comme une validation de notre bon vieil interventionnisme. Mais en réalité, il n’y a pas grand-chose à voir entre la vision de Mariana et notre approche nationale de l’innovation.
Trop souvent, l’approche française est d’entrer par la technologie et par le Meccano administratif des instituts de recherche, des appels à projets et des pôles de compétitivité. Or, pour Mariana, l’État est à son meilleur non pas quand il se focalise sur une technologie particulière ou s’enlise dans la bureaucratie, mais quand il imprime une direction à l’innovation. Et la meilleure manière d’imposer cette direction est de définir des « missions », qui focalisent l’attention des innovateurs, du secteur public comme du privé, sur des « problèmes à régler ».
Pourquoi est-ce important ? D’abord, parce que régler un problème permet l’alignement d’acteurs issus de secteurs divers aux intérêts divergents. L’innovation se heurte toujours à des résistances. Mais s’il s’agit de remplir une mission, alors il est plus facile pour les innovateurs de triompher des obstacles et pour l’État de changer les règles, y compris contre de puissants intérêts en place.
Ensuite, parce qu’une mission permet de créer et de façonner le marché plutôt que de simplement corriger ses défaillances. Aujourd’hui, c’est parce que l’État n’impose pas de direction que les entreprises se replient sur des indicateurs financiers et court-termistes. Mais si le marché est lancé à l’assaut d’un problème à régler, alors la technologie trouve à s’appliquer, la concurrence est synonyme d’émulation, et la flexibilité débouche sur des innovations de rupture et la création massive d’emplois.
Pour elle, il s’agit d’abord de changer le discours et les récits, de ne plus dénigrer l’action étatique comme nous l’avons fait pendant tant d’années. Tous les “innovateurs de génie” du XXe siècle sont d’abord les bénéficiaires privilégiés des investissements publics dans la recherche fondamentale et le développement de nouvelles technologies. Sans ces investissements, il n’y aurait pas d’internet, pas d’iPhone, pas de Siri, ni de GPS…
Dans ce podcast, Nicolas et moi parlons aussi du rôle de l’écosystème londonien dans l’émergence des courants hétérodoxes en économie, des autres économistes les plus en vue (parmi lesquels Carlota Perez, également basée à Londres), de l’ouvrage de Mariana à paraître fin janvier au Royaume-Uni, Mission Economy: a moonshot guide to changing capitalism, ainsi que du travail réalisé au sein du Institute of Innovation and Public Purpose (IIPP) qu’elle a fondé il y a quelques années.
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(Générique : Franz Liszt, Angelus ! Prière Aux Anges Gardiens—extrait du disque Miroirs de Jonas Vitaud, NoMadMusic.)
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