Chaque lundi nous envoyons un “Édito”, un aperçu d’une interview avec un·e invité·e passionnant·e (francophone ou non) et quelques informations pour mettre la semaine à venir en perspective et rappeler les contenus mis en ligne la semaine précédente.
À l’agenda aujourd’hui 👇
Mon “Édito” sur les réseaux à l’ère des réseaux 👆
Kelly Hoey sur la construction d’un réseau de rêve
Nos conversations à venir cette semaine
Ce que vous avez peut-être manqué la semaine dernière
La question des réseaux est au cœur de mon travail depuis longtemps. J’appelle d’ailleurs la période actuelle, issue de la transition vers une économie plus numérique, “l’âge de l’informatique et des réseaux” :
l’âge de l’informatique car nous sommes tous équipés d’un nombre croissant de terminaux informatiques dont la puissance de calcul augmente sans cesse ;
mais aussi l’âge des réseaux car nous utilisons ces terminaux (nos ordinateurs, nos smartphones) essentiellement pour nous connecter les uns aux autres.
Nous sous-estimons nos connexions à d’autres individus car beaucoup de ces connexions rendues possibles par le numérique sont implicites et invisibles. Par exemple, nous sommes connectés les uns aux autres parce que nous consultons des avis publiés par d’autres clients avant d’acheter un produit sur Amazon. Ou encore les questions que nous soumettons tous les jours à Google sont analysées pour nous suggérer en temps réel de meilleures manières de poser ces questions (ce qu’on appelle “auto-complétion” en informatique) : nous sommes ainsi connectés en réseau par notre contribution mutuelle à l’amélioration du moteur de recherche de Google.
Que deviennent les réseaux personnels – qui, contrairement aux deux exemples ci-dessus, sont conscients et explicites – dans ce monde de l’interconnexion généralisée ? Sur ce point, les choses changent sur plusieurs fronts.
Tout d’abord, la facilité à se connecter les uns aux autres dévalorise les connexions individuelles. À une époque, posséder la carte de visite d’un individu avait une grande valeur : cela signifiait qu’on avait rencontré cette personne dans le passé et qu’elle nous avait jugé suffisamment digne de confiance pour partager ses coordonnées. Aujourd’hui, les mêmes informations sont accessibles à tous sur LinkedIn. La carte de visite a donc perdu sa valeur économique, sinon symbolique. Il faut bien plus qu’une carte de visite pour prétendre intégrer un individu à son réseau personnel.
En même temps, développer une relation avec une autre personne ne signifie plus forcément rencontrer cette personne “en vrai” pour des déjeuners, des réunions ou des congrès. Des applications comme Twitter nous ont déjà habitués à l’idée d’avoir des conversations intéressantes entre personnes qui ne se sont jamais rencontrées. Depuis au moins deux ans, ma société The Family compte dans son portefeuille plusieurs startups dont les cofondateurs ne s’étaient jamais rencontrés avant de créer ensemble leur entreprise. Et depuis un an, la pandémie et la difficulté à se déplacer et se rencontrer ont banalisé l’idée de faire connaissance à distance.
Pour autant, la pandémie n’est qu’un état transitoire. Je suis curieux de voir ce que deviendront toutes ces relations nouées à distance une fois la pandémie passée. Reviendrons-nous à la normale en nous repliant sur notre réseau historique développé à notre voisinage immédiat ? Ou bien développerons-nous ces nouvelles relations nouées à distance grâce à toutes ces applications, toujours plus diverses, qui nous permettent de nous connecter de plus en plus facilement les uns aux autres ? On ne parle plus seulement de Facebook, LinkedIn et Twitter, mais aussi, désormais, de TikTok, Discord, Clubhouse, et bien d’autres nouvelles applications encore inconnues.
La deuxième hypothèse est celle qu’envisageait Balaji S. Srinivasan dès 2013 dans un article intitulé “Le numérique réorganise le monde”. Pour lui, Internet permet moins d’entretenir des relations initialement nouées dans le monde réel que de développer de nouvelles relations avec des personnes dont nous nous rapprochons ensuite, dans un second temps, en nous installant à proximité les uns des autres. L’exemple que donne Balaji est la Silicon Valley : ce territoire où s’installent tous ces gens (entrepreneurs, investisseurs, opérateurs) qui se sont d’abord connectés les uns aux autres sur Internet, puis ont identifié la baie de San Francisco comme l’endroit où se retrouver pour apprendre à travailler ensemble et faire ainsi grandir des entreprises numériques.
À ce sujet, il est évident que la pandémie change la donne. Grâce à elle, nous avons appris à faire grandir des entreprises à distance, ce qui dévalorise l’idée de se rassembler dans la Silicon Valley pour ce faire. Mais cela n’empêchera pas les individus connectés les uns aux autres de se rapprocher en fonction d’autres affinités.
L’économie des réseaux a ainsi été bouleversée par la transition numérique puis par la pandémie. Cependant, comme l’explique la spécialiste du networking Kelly Hoey dans sa conversation avec Laetitia partagée il y a quelques jours avec nos abonnés, ses grands principes restent inchangés. Découvrez un aperçu de cet échange ci-dessous, puis écoutez le podcast dans son intégralité (en anglais) sur le site de Building Bridges, sur Apple Podcasts ou Spotify. À bientôt !
👉 Networking Needs A Rebrand | Kelly Hoey 🎧
Kelly Hoey est une conférencière spécialisée dans le sujet du networking et autrice du livre Build Your Dream Network. Si vous pensez que le networking, cela consiste à faire le lèche-botte dans des cocktails ennuyeux ou à parcourir LinkedIn à la recherche de nouveaux contacts à ajouter, vous avez tout faux ! Il est temps de donner une définition plus positive au networking. Pour bien faire, il est essentiel de commencer toujours par cette première question : comment puis-je aider les autres ?
Le livre de Kelly, Build Your Dream Network: Forging Powerful Relationships In A Hyper-Connected World, fait un carton depuis plusieurs années. “Le networking a besoin d'une nouvelle image”, nous dit-elle. On a trop longtemps considéré le networking comme une activité assez négative (et plutôt masculine) qui consiste à se mettre en avant et à chercher à tirer profit des autres. Pourtant, le bon networking, ça n’est pas cela du tout !
La pandémie et la distanciation sociale qui l'accompagne ont prouvé une chose : plus que jamais, nous avons besoin de relations humaines fortes pour survivre et a fortiori pour prospérer. Nos carrières, mais aussi notre santé mentale et physique, dépendent de la solidité et de l'authenticité des relations que nous entretenons. On a laissé la solitude devenir l'épidémie de ce siècle. Il est temps d’apprendre à mieux se connecter aux autres dans ce monde hyperconnecté !
Insatisfaite de la définition du networking axée sur une vision utilitariste étriquée, Kelly s'est intéressée plutôt au mot ‘net’ dans networking. Le net en anglais, c’est un ‘filet’, “un tissu ajouré fait de fils ou de cordes qui sont tissés ou noués ensemble à intervalles réguliers”. Cette définition est bien plus intéressante car, écrit-elle, “pour moi, le networking, c’est un processus continu de création et de renforcement des relations. Il ne se limite pas à une seule activité, comme les présentations par mail ou les cocktails dans le hall du siège d'une société.”
Kelly a écrit ce livre il y a quelques années. Mais ses messages semblent plus pertinents que jamais. Nous avons tous besoin d'un meilleur ‘filet’. La frontière entre la vie privée et professionnelle devenant de plus en plus floue, il semble plus évident qu'une nouvelle approche du networking ne peut qu’aider dans les deux dimensions.
D’ailleurs, une bonne partie de ce qu’elle dit et écrit résonne particulièrement à la lumière des réflexions de Laetitia sur les évolutions du travail et de l'expertise. De plus en plus, créer une offre professionnelle, développer une expertise et faire rayonner une réputation professionnelle, cela ne requiert plus forcément la “permission” d’une institution (comme le diplôme universitaire, par exemple).
Tout le monde est un expert
Les diplômes universitaires peuvent être contournés
N'importe qui peut créer une entreprise, n'importe où
La méritocratie, c'est de la foutaise
On peut prendre le contrôle sur sa carrière et se donner le titre que l’on veut au travail (et sur sa carte de visite) (...) ce qui compte, ce n'est pas ce que vous savez ni même qui vous connaissez, mais plutôt qui sait ce que vous savez.
Dans ce nouveau monde du travail, rien n'est jamais acquis. Le fait que les barrières à l'entrée soient moins élevées qu'auparavant signifie qu'il est possible pour un plus grand nombre de personnes de créer une entreprise et de développer un réseau en partant de zéro, mais cela signifie aussi que le travail n'est jamais terminé et que vous ne pouvez pas vous reposer sur vos lauriers !
Le networking ne s’arrête jamais.
À n'importe quel stade de votre carrière, une nouvelle opportunité nécessite de construire un nouveau réseau ou de retravailler les connexions existantes d'une nouvelle manière. Se reposer seulement sur le statu quo actuel en matière de networking, cela n'est pas suffisant.
Il est essentiel aussi d’arrêter de présenter les actions de networking en ligne comme forcément “inférieures” à ce qui serait plus “réel” hors ligne. L’intention et l’esprit comptent plus que le moyen. En fait, les connexions en ligne et hors ligne se complètent. Les premières ne sont pas moins réelles que les secondes. En fait, les deux catégories sont profondément imbriquées et dépendantes.
Il y a tant de choses à faire pour améliorer sa capacité à cultiver des relations riches de sens, tant en ligne que hors ligne. La période actuelle présente des défis importants pour beaucoup d’entre nous, mais elle est aussi riche d’enseignements.
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(Générique : Franz Liszt, Angelus ! Prière Aux Anges Gardiens—extrait du disque Miroirs de Jonas Vitaud, NoMadMusic.)
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