Notre premier podcast “À deux voix” 🎧 de la semaine est consacré à des réflexions sur la productivité dans les métiers créatifs. Qu’est-ce que la productivité ? Existe-t-il des “secrets de productivité” ?
Il ne se passe pas un jour sans que ne soit publié un article sur les “secrets de la productivité”. Freelances et salariés en télétravail, confrontés à des changements radicaux dans leur manière de travailler, sont friands de recettes pour devenir plus productifs, rester plus concentrés ou préserver un équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Par exemple, les morning routines ou evening routines sont devenus un genre à part entière pour les travailleurs en mal de conseils.
Mais les secrets de productivité nous ont toujours laissés quelque peu sceptiques, Nicolas et moi. En économie, la productivité, c’est un ratio entre la valeur de la production (de biens ou de services) et les moyens mis en œuvre pour sa réalisation (en l'occurrence, par exemple, le nombre d’heures travaillées). Elle mesure l’efficacité avec laquelle on utilise une ressource. Mais ces personnes qui parlent de productivité ne précisent généralement pas ce qui est mesuré. Quelle est la valeur de la production ? Quel est le ratio ? De quoi parle-t-on, au juste ? Par exemple, peut-on parler de “productivité” à propos de l’exécution de tâches sans valeur ?
Faute d’avoir un output identifiable et facilement mesurable, on risque de choisir de mauvais indicateurs : le nombre de mails traités, par exemple, ou le nombre d’heures de cours délivrées – plutôt que, respectivement, la valeur des relations que les emails permettent d’entretenir, ou le savoir effectivement transmis aux élèves. Dans le monde de la santé, la “productivité” concerne le nombre d’actes médicaux réalisés, pas la santé des patients !
Être productif au service d’une production néfaste, toxique ou inutile, est-ce une bonne chose ? Et qu’est-ce que la productivité dans le cadre d’une relation salariale dans une entreprise où il faut se montrer présent, c’est-à-dire qu’il y a plus de valeur à donner l’apparence de la productivité qu’à être réellement productif ?
Cela nous amène aussi à nous poser cette question : à qui appartiennent les gains de productivité d’un travailleur salarié payé au nombre d’heures travaillées ? Par exemple, si un développeur salarié automatise une partie de son travail, alors le temps gagné ne lui appartient pas forcément. En faisant en 6 heures ce qu’elle faisait en 10, une personne à son compte peut en revanche décider de se reposer 4 heures de plus ou bien de réaliser une mission supplémentaire qui lui apportera plus de chiffre d'affaires.
Le concept même de productivité provoque une forme d’ennui que je n’arrive pas à réfréner tant il rappelle l’aliénation d’un travail industriel répétitif. La productivité repose sur l’optimisation des ressources. Elle est l’ennemie du gaspillage, donc également de l’innovation, de l’apprentissage et de la créativité. On ne peut pas être productif quand on fait quelque chose de nouveau, ni quand on est en phase d’apprentissage. Dans mon cas, le concept était particulièrement pertinent quand j’étais enseignante et que je corrigeais des centaines de copies.
En fait, il faut d’abord commencer par s’interroger sur le but de son travail, les différentes tâches qui le composent, la part de deep work et de shallow work dans son travail, ce qu’est la “valeur” et comment on la mesure, et à qui appartiennent les gains de productivité. Vous l’aurez compris, il n’y a donc probablement pas de “recette miracle” pour être productif 🤔
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(Générique : Franz Liszt, Angelus ! Prière Aux Anges Gardiens—extrait du disque Miroirs de Jonas Vitaud, NoMadMusic.)
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