Le paradis du consommateur est-il devenu l’enfer du travailleur ? C’est la question posée par Denis Pennel dans son ouvrage Le Paradis du consommateur est devenu l’enfer du travailleur, paru tout récemment aux Éditions du Panthéon.
Dans cette interview, nous discutons des grandes transformations du travail rendues si visibles en temps de pandémie.
Denis Pennel a déjà publié plusieurs ouvrages sur les transformations du travail, parmi lesquels Travail, la soif de liberté, en 2017, dans lequel il expliquait que les start-uppers, coworkers et autres “slashers” étaient en train de réinventer le travail : “Après l’esclavage, le servage, l’artisanat et le salariat, le travail entre dans un nouvel âge,” écrivait-il alors.
Optimiste sur les évolutions en cours, il parlait alors surtout de l’émancipation des travailleurs : “le lien de subordination fait d’obéissance et de contrôles est devenu contre-productif et tend de plus en plus à être remplacé par du management collaboratif, où l’autonomie et la responsabilisation prévalent.”
Managing director de la World Employment Confederation, Denis est aux avant-postes pour observer les évolutions du monde du travail. Grand spécialiste de l’histoire de l’interim, dont il raconte la genèse dans ce podcast, il semble plus circonspect aujourd’hui sur la “libération” des travailleurs. Dans une sorte de schizophrénie croissante, les intérêts des consommateurs que nous sommes entrent en conflit avec ceux des travailleurs.
Dans son dernier livre, paru il y a quelques semaines, il se fait ainsi l’avocat d’un nouveau contrat social : “Si le futur risque bien de ressembler au passé, ce n’est pas en essayant de colmater notre sytème actuel que l’on arrivera à inventer des solutions à la hauteur des défis posés par cette nouvelle révolution industrielle.”
L’entrée dans le XXIe siècle a consacré une révolution de notre modèle économique : le passage d’une économie de masse à une économie dictée par la demande. Une soif de consommation effrénée et immédiate de produits personnalisés, fabriqués à la demande, s’est généralisée.
Une nouvelle ère où le consommateur, devenu roi, impose aux entreprises de se réorganiser pour devenir plus agiles, et ce au détriment des travailleurs. Une société de surabondance, caractérisée par le gaspillage des ressources, une hausse des inégalités, et une course folle vers le « toujours plus ».
Dans cette interview, Denis dresse le constat d’un monde du travail dicté par les exigences toujours plus grandes de la multitude de ces consommateurs qui veulent être satisfaits “ici et maintenant”, des entreprises de plus en plus fragmentées qui veulent “consommer” du travail de manière plus flexible pour faire face aux incertitudes du marché, et d’un travail qui devient plus “protéiforme et liquide”.
Il explique aussi que la crise que nous vivons actuellement a rendu plus visible le caractère insoutenable du dogme productiviste. Mais il est optimiste sur les remèdes : la nouvelle frugalité de consommateurs plus responsables, l’écologie humaine au travail, la réinvention de nos systèmes de protection sociale ne sont en rien impossibles. À nous de “réhumaniser le capitalisme” !
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(Générique : Franz Liszt, Angelus ! Prière Aux Anges Gardiens—extrait du disque Miroirs de Jonas Vitaud, NoMadMusic.)
Le consommateur, ennemi du travailleur ?