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Diversité dans les médias : pourquoi pas 50/50 ?
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Les médias ont un rôle essentiel à jouer pour promouvoir la diversité dans tous les milieux. En donnant à voir des expertes, des professionnelles, des actrices inspirantes, ils nous révèlent des role models qui inspirent la génération suivante à l’incitent à se lancer à son tour.

En donnant à voir, les médias font et défont des carrières, donnent du pouvoir et de l’influence à certains plutôt qu’à d’autres, et proposent une vision du monde dont l’influence est profonde. En d’autres termes, ils ne sont pas seulement le reflet du monde, ils contribuent aussi à le façonner.

En ce temps de pandémie, la plupart des médias français n’ont hélas pas donné à voir beaucoup de diversité. Par exemple, les experts interviewés pour parler de la pandémie sont très majoritairement des hommes, ce qui ne reflète en rien la réalité sur le terrain – où, dans le domaine médical, les femmes sont plutôt surreprésentées. L’été dernier, le CSA avait relevé cette disparité dans un rapport intitulé « La représentation des femmes dans les médias audiovisuels pendant l’épidémie de Covid-10 ». À l’image de ce qui se passe dans le reste de la société, la pandémie n’est pas bonne pour l’égalité femmes-hommes.

Pourtant, la période actuelle nous révèle aussi à quel point nous aspirons à entendre d’autres voix. L’année 2020, c’est aussi celle de Black Lives Matter. Dans le monde entier, on a parlé de la représentation de la diversité dans les médias ou les institutions de pouvoir. Les médias traditionnels (chaînes de télévision ou magazines hebdomadaires nationaux), qui donnent à voir et entendre toujours les mêmes personnes, inspirent de moins en moins confiance et attirent moins. Ils se privent d’un relais de croissance auprès de nouvelles populations. En bref, en ne variant pas les points de vue, ils n’innovent pas et accélèrent même leur déclin.

La BBC, l’un des plus grands et prestigieux médias au monde, pourrait se reposer sur ses lauriers, mais c’est un lieu d’innovation et de renouveau qui continue d’inspirer les médias du monde entier. Un petit projet de journalistes visant à faire une place égale aux femmes et aux hommes dans les contenus sur l’actualité a essaimé dans toute l’organisation. Aujourd’hui, le projet 50/50 concerne plus de 600 équipes au sein de la BBC. Et la méthodologie mise en place a inspiré de nombreux médias et organisations dans le monde entier.

Pour mieux faire connaître ce projet, ses principes et méthodes, et pourquoi on devrait tous s’en inspirer, j’ai interviewé Nina Goswami dans le cadre du podcast Building Bridges. Journaliste à la BBC depuis plus de dix ans, Nina est désormais « responsable de la diversité créative » et de l'initiative 50/50 de la BBC,

la plus grande action collective jamais entreprise pour augmenter la représentation des femmes dans le contenu de la BBC.


(Moi) Bonjour, Nina. Merci d'avoir accepté de prendre la parole dans ce podcast de Building Bridges

(Nina) Merci pour l’invitation ! J’espère pouvoir partager avec toi quelques réflexions qui pourront être utiles à tes auditeurs.

Ma première question concerne l'impact de la pandémie et ce que nous venons de vivre, tant sur le plan personnel que professionnel. Qu’est-ce qui a changé dans ta façon de vivre et de travailler ? J'ai lu tout à l'heure qu'environ 90 % des employés de la BBC ne travaillent plus au bureau.

Oui, les 10 % restants sont principalement des créateurs de contenu. Je dis « nous » parce que je retourne encore à la salle de rédaction quelques jours par mois pour aider à la conception des programmes d’actualité du 18 heures et du 22 heures, les bulletins de télévision nationaux de la BBC. J'y vais et je fais un peu de montage quand ils ont besoin d'aide. Certaines personnes sont plus vulnérables et sont sur la liste des personnes à protéger. Je continue donc à les aider sur ce front.

Mais au niveau personnel, l'année 2020 dans son ensemble s’est accompagnée d’un changement de cap radical pour moi. Le 31 janvier, c’était ma dernière journée officielle au sein de la division des news de la BBC, et je travaillais à une émission spéciale Brexit, car c'était aussi la journée Brexit pour le Royaume-Uni. La semaine suivante, j'ai rejoint la BBC en tant que responsable de la diversité créative, en me concentrant sur le projet 50/50. Ce que nous faisons, c’est étudier comment améliorer la représentation à la télévision, à la radio, en ligne, afin que nos publics aient le sentiment d'être reflétés dans ce qu'ils voient, entendent et lisent. C'est pourquoi j'occupe maintenant ce rôle à temps plein. 

Et puis, sept semaines et demie plus tard, nous nous retrouvons dans une situation de confinement mondial. Je suis alors renvoyée à la salle de rédaction pour apporter mon aide à l’équipe, car nous, à la BBC, fournissons des services « essentiels ». L'information, c’est une mission centrale, notamment en période de crise grave. 

À mon nouveau poste, je dois donc réfléchir à ce que nous allons faire dans ce tout nouveau département qui a été créé, ainsi qu'à mon retour dans la salle de rédaction. Nous avons dû changer beaucoup de nos pratiques de travail. Nous avons tout appris au fur et à mesure, à l’épreuve du feu. Les choses ont beaucoup changé en quelques mois. Souvenez-vous, au début, il n’y avait pas encore de masques et on ne nous disait pas de rester à deux mètres de distance les uns des autres. 

Il y a beaucoup de choses que nous faisons maintenant mais que nous ne faisions pas au début. Je me souviens de Fergus Walsh, qui est le rédacteur médical à la BBC. Il était alors notre correspondant médical. Très vite, il s’est mis à tester tout un tas de choses. Par exemple, il a été parmi les premiers à expérimenter tous les tests. Un jour, il a fait un des tests d'anticorps et est revenu positif. Et là nous nous sommes dit, mais si tu reviens positif et que nous avons tous travaillé étroitement ensemble, alors ça veut dire que la plupart d’entre nous a dû avoir le Covid à un moment ou un autre. Ensuite il a fait encore un autre test, puis un autre, et ils étaient tous positifs. Clairement, il faisait partie de ces gens qui sont positifs sans présenter aucun symptôme. À l’intérieur de la rédaction, nous avons appris à mieux connaître les sujets liés à la pandémie. Nous avons changé notre façon de travailler. C'était vraiment fascinant dans l'ensemble. 

Petit à petit, au fil des mois et des retours au bureau, j'ai réduit mes heures de travail à la salle de rédaction. Maintenant, je suis à 100% sur le rôle de la diversité créative. À bien des égards, 2020 a mis le sujet de la diversité sur le devant de la scène. 2020, c’est aussi l’année de George Floyd et de Black Lives Matter. La création de notre département à ce moment précis, c’est quelque chose de fortuit. Fondamentalement, en tant qu’institution, la BBC nous a donné les moyens de nous concentrer sur ce dont nos publics ont besoin.

Ce n'est peut-être pas tout à fait fortuit. Il y a un air du temps, une dynamique sur ces sujets, non ? George Floyd a révélé que nous étions prêts à parler de tout cela. Donc je ne suis pas sûre que cela soit vraiment fortuit. Comment as-tu changé ta façon de travailler et comment était-ce de commencer un nouveau poste en plein confinement ?

À mon poste de responsable de la diversité créative, je travaille à la maison comme tu peux le voir. Maintenant, ma vie de travail se passe en visioconférence. J’ai l’impression de passer toute ma vie derrière un écran. J’étais censée aller en Italie, par exemple, pour faire une conférence à Pérouse. J’étais censée me rendre à Saragosse pour une autre conférence. Tout cela a été annulé. La dimension voyage a disparu du travail.

Mais il faut dire que grâce à la visioconférence, je me suis rendue virtuellement dans bien plus de pays que je n’aurais pu espérer visiter en vrai. Cela a donc été un changement vraiment intéressant et positif finalement, car maintenant la technologie est suffisamment avancée pour que nous puissions le faire. 

Mais ce n’est pas toujours facile. Mardi dernier, j'ai fait 17 réunions en une journée. J’ai vraiment fait le tour du monde, de l'Australie à la Finlande en passant par l'Amérique. C'est fantastique de pouvoir faire cela, mais l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, je l'ai définitivement perdu en n’allant plus au bureau de façon régulière.

C'est un paradoxe que nous vivons tous. Comment se fait-il qu’en l’absence des trajets pendulaires pour se rendre au travail, nous ayons l’impression d’avoir moins de temps qu'auparavant ? 

Tu es à la BBC depuis longtemps. Comme tu l’as dit, tu étais un pilier dans la salle de rédaction. Peux-tu nous parler de ta carrière ? Comment as-tu commencé et comment es-tu devenue la cheffe de file de la « diversité créative » à la BBC ?

Oui, absolument. J'ai toujours eu une passion pour le journalisme. Ça a commencé quand j'avais huit ans. Eh, oui, ça fait longtemps que je prépare tout ça ! Un jour, nous étions tous assis autour de la table de la cuisine avec mes parents, sur le point de discuter des choix d’orientation de mon frère aîné (qui a 11 ans de plus que moi). En arrière-plan, il y avait le journal de 18 heures à la télévision. Le journal était présenté par Moira Stuart, l'une des premières présentatrices noires de l’histoire au Royaume-Uni.

Il y a eu un moment de silence alors que nous étions en train de discuter ce que mon frère allait faire de sa vie. Et mon père s'est tourné vers moi et a dit : « Je te verrais bien faire ça un jour », en pointant du doigt la télévision. C’est alors que je me suis demandé pour la première fois si c'était quelque chose qui m'intéresserait. Finalement, le fait d'être devant une caméra n'était pas pour moi, mais l'idée du journalisme est restée et m’a marquée. 

À partir de mes huit ans, j’ai donc commencé à m'engager sur cette voie. J'ai fait tout ce que fait quelqu’un qui veut vraiment se lancer dans une carrière en particulier. À l'école, j’ai dirigé le magazine de l'école. À l'université, pareil. J'ai aussi fait du bénévolat pour la radio d’un hôpital. Et c'est en acquérant une grande expérience professionnelle que j'ai construit mon réseau. Je passais mes étés à faire mon travail du samedi en tant qu'assistante commerciale et à travailler dans un journal. C'est grâce à ce réseau que j'ai fini par me retrouver dans des journaux nationaux.

J'ai eu la chance d'obtenir une bourse du Sunday Times, avec lequel j'ai fait mes études supérieures. À l'université, j'ai fait du droit, en partie pour faire plaisir à mes parents, car en tant que bonne fille indienne, il faut faire du droit, de la médecine ou des études d’ingénieur. Mais j'ai fait du droit parce que c'est aussi une bonne base pour le journalisme : on apprend la même façon de prouver les arguments et de mener des analyses. J'ai fait mes études supérieures en journalisme au Sunday Times, et c'est là que j'ai commencé ma carrière.

J’ai donc commencé dans le journalisme de presse écrite au Sunday Times. Ensuite, j'ai travaillé au Sunday Telegraph, et j'ai pensé que je devais me spécialiser et faire quelque chose en rapport avec mon diplôme universitaire. Je me suis donc spécialisé en tant que journaliste juridique puis j'ai travaillé pour un magazine juridique. Et puis j'ai commencé à me poser des questions sur le déclin de la presse écrite qui était déjà dramatique à ce moment-là. C'était il y a douze ans maintenant. À l'époque, c'est ma mère qui avait repéré l’existence d’un programme de stage pour devenir journaliste à la BBC.

C'est comme ça que je suis entrée à la BBC. Après avoir accepté une baisse de salaire substantielle, j'ai rejoint ce programme de stage. Et depuis lors, j’ai été partout à BBC News. J'ai commencé à Manchester à la station de radio Northwest de la BBC Manchester, le programme de télévision régional, puis je suis allée à Liverpool et à Radio Merseyside avant que mon mari ne me demande en mariage. Là je suis revenue à Londres pour rejoindre la chaîne d'information nationale de la BBC. Et j'ai appris à bien connaître la chaîne avant de rejoindre le journal de 18 et 22 heures.

Voilà l'histoire de ma carrière de journaliste en quelques mots. J'ai toujours été passionnée par le fait que le public entende les histoires qu'il a besoin d'entendre, qu'il souhaite entendre ou des histoires qu'il ne connaît pas. J'aime l'idée de les dévoiler, de révéler quelque chose de nouveau que les gens devraient connaître. Pour moi, le public, c’est ce qui devrait être au cœur de tout ce que nous faisons.

Et pour cela, il faut comprendre son public. Il faut les refléter dans le contenu. C'est comme ça que je me suis impliquée pour la première fois dans le programme 50/50, dont nous allons parler en détail. 50:50 vise à augmenter la représentation des femmes. Nous avons récemment élargi le champ d'application de ce programme à d’autres formes de diversité. Mais c'est une initiative qui est partie de la base, une initiative que nous avons lancée en tant que journalistes. 

50/50, c’est devenu un immense succès, au-delà de toutes nos attentes. Le résultat, c'est qu’il fallait que je me mette à temps plein sur ce travail. C'est ainsi que j'en suis arrivée là où j'en suis aujourd'hui. Mais mes activités ne se limitent plus au seul projet 50/50. 

Pour revenir à 50/50, comment cela a commencé exactement ? Tu as dit que le projet était axé sur le public et la façon de mieux le refléter. Donc, fondamentalement cela concerne le contenu. Mais il y a beaucoup d'aspects derrière cela... Quel a été le point de départ ? Quelle a été la première chose que vous avez examinée ? Et quand était-ce, d'ailleurs ?(Moi) Bonjour, Nina. Merci d'avoir accepté de prendre la parole dans ce podcast de Building Bridges

Tout a commencé à l’initiative d’un homme, le journaliste Ros Atkins, qui présente le programme Outside Source. C'était à Noël 2016. Il faisait un trajet en voiture dans le sud-ouest de l'Angleterre, en Cornouailles, à quelques kilomètres de Londres. Et il était en train d’écouter les stations de radio de la BBC. Et pendant très longtemps, il n'a pas entendu une seule voix féminine. Et alors il s'est dit : « Comment est-ce possible ? À notre époque ? Nous, la BBC, affirmons essayer de faire passer plus de femmes à l'antenne, mais nous ne le faisons clairement pas. » Il a donc passé ses vacances de Noël à réfléchir à la façon de résoudre ce problème. Lorsqu'il est revenu, en janvier 2017, il a demandé à son équipe de mettre en place un nouveau système de mesure pour collecter les données sur la représentation à l’antenne.

Et tout ce que nous faisons maintenant, c'est exactement comme cela a commencé. Nous comptons le nombre d'hommes et le nombre de femmes dans notre contenu, et nous cherchons à atteindre une représentation de 50 % de femmes au fil du temps. Ainsi, si vous prenez un programme d'information quotidien, comme Outside Source, c’est sur une période d'un mois que nous rendons des comptes. Ainsi, chaque jour, les créateurs de contenu regardent leur programme et comptabilisent les hommes et les femmes à l’antenne. Ensuite, lors du compte-rendu, lorsque nous disséquons le programme et la façon dont il s'est déroulé, ces informations, ces données sont remontées.

Nous ne faisons pas cela uniquement pour ce programme. Et maintenant ce sont des calculs automatiques. Ainsi, si pendant deux semaines au cours du mois, nous avons eu 70 % de femmes, nous cherchons à revenir à un équilibre 50/50. L'équipe commence à en discuter. Les données sont régulièrement décortiquées. On identifie les lacunes et les moyens de faire entendre davantage de voix diverses sur chaque contenu. C'est donc en quelque sorte la base du comptage. Nous comptons pour apporter des changements. 

Je voudrais te poser une question sur le comptage, car ce n'est pas aussi simple qu'il y paraît. Il s'agit de créer de nouveaux indicateurs, n'est-ce pas ? Que comptez-vous exactement dans un contenu donné ? Mettons qu'il y a un sujet qui concerne le président Macron, qui se trouve être un homme. C'est une nouvelle, n'est-ce pas ? C'est le président de la France. Mais quand on regarde les dirigeants du monde, il s'agit en grande majorité d'hommes. Alors, qu'est-ce qui est compté ? Est-ce le sujet, les personnes interviewées ou la personne qui fait le travail de journalisme ?

C'est une bonne question. Nous avons trois principes fondamentaux pour le projet 50/50. Le premier concerne la manière de contrôler les données. Nous utilisons les données pour effectuer le changement. Ensuite, nous mesurons ce que nous contrôlons. Et donc, dans ton exemple, avec Macron, nous ne le comptons pas parce que nous ne pouvons pas contrôler le fait qu'il fait l’actualité. C'est un personnage central. Donc nous ne le comptons pas. 

J'utilise toujours l'exemple du Premier ministre britannique parce que c’est un exemple qui fonctionne bien pour nous. Nous ne comptons pas Boris Johnson et nous ne comptions pas Theresa May avant lui. Peu importe donc que tu sois un homme ou une femme. Si tu es le personnage central et que nous devons t’inclure, alors tu ne seras pas comptabilisé. Il s'agit donc de ce que les équipes contrôlent elles-mêmes. Cela peut être le journaliste, par exemple. Ce pourrait être le commentateur politique. Et les membres du public rencontrés pour illustrer le sujet. C’est là le deuxième principe fondamental de 50/50. 

Et cela m'amène au troisième principe fondamental, qui est notre règle d'or. C'est que nous cherchons toujours la meilleure contribution possible. Nous ne faisons aucun compromis sur la qualité. L'une des choses les plus importantes pour notre public, c’est d’avoir accès à la plus grande exigence éditoriale, au meilleur contenu possible. Personnellement je pense que le projet 50/50 aide à atteindre cet objectif. Ce qui se passe quand les journalistes cherchent des nouvelles voix, autres que celles qui sont toujours entendues. Tout à coup, on a cette diversité de pensée qui peut vraiment élever un programme, en améliorer considérablement la qualité.

C’est intéressant. J'imagine que tout le monde n'a pas accueilli cette vision favorablement, ni les mesures qui l'accompagnent. Soudain, les journalistes sont tenus responsables et doivent rendre des comptes. Des choses qui n'étaient pas visibles sont rendues visibles. J'imagine qu'avant le comptage, il y avait des gens dans le déni qui pouvaient dire : « Mais si nous avons des femmes. Regardez celle-ci et celle-là. » Qui s’est opposé à 50/50 ? Est-ce que cela a été difficile de rendre cette transparence acceptable pour tous dans une institution aussi grande et aussi ancienne ?

Oui, bien sûr, il y a des gens pour nous faire des reproches. Mais la grande qualité de 50/50, c’est que c’est venu de nous, les journalistes. Nous en sommes responsables. Ce n'est pas quelque chose qui nous a été imposé. C'est un système volontaire et c’est exprès nous le rendons volontaire, parce que nous voulons que les gens qui sont vraiment animés d’une volonté de changement s’en emparent. 

Il y a, bien sûr, ceux qui se voient imposer le programme 50/50 par leur manager. Là, il peut y avoir quelques réticences parfois. Mais je voudrais t’expliquer un peu comment nous en sommes arrivés à un programme d’une telle ampleur. C'est le volontariat qui est le secret de notre réussite. Après Outside Source, c'est le bouche à oreille qui a fait grandir l’initiative 50/50. Une fois que ce programme a prouvé qu’il pouvait atteindre 50 % de femmes (il a commencé à moins de 40% de femmes, et il lui a fallu 4 à 5 mois pour atteindre la barre des 50 %), et a prouvé que c'était pérenne, alors d'autres équipes, comme la mienne en charge des journaux télévisés de 18h et 22h, s’en sont emparés. Ça a vraiment été une croissance organique. 

Ce n'est que lorsque la 80ème équipe a rejoint l’initiative 50/50 que la direction générale de la BBC en a entendu parler. Le directeur général de l'époque, c’était Tony Hall. Quand il en a entendu parler, il a dit mis au défi le reste de la BBC. Mais c'était toujours sur la base du volontariat. Chaque équipe pouvait décider.

Cela a tout de même créé une certaine pression sur les pairs, j'imagine.

Oui, il y a une saine émulation et un esprit de compétition entre les équipes. Mais nous le faisions de manière positive, pas de manière obligatoire. Nous ne disions pas aux gens « vous devez le faire ». Ce n'est pas la même chose. Il s'agit de faire ça ensemble, de manière volontaire, d'essayer de pousser ce changement pour nous améliorer, non seulement nous-mêmes, mais aussi pour créer un meilleur produit pour notre public. C'est ainsi que les équipes qui ne participent pas se sentent en quelque sorte « cernées ».

En tant que journalistes et créateurs de contenu, nous étions à l’initiative du projet et donc volontaires. Et puis il y a eu ce « coup » du sommet quand ils ont dit qu'ils aimaient le projet. Ils ont donné la permission à de nombreuses autres équipes de s'impliquer. Parfois, on a besoin de cette permission pour vouloir faire quelque chose. En un an, nous sommes passés de 80 à 500 équipes impliquées. Aujourd’hui, ce sont plus de 600 équipes à la BBC qui sont impliquées.

Qu'est-ce qui compte comme une « équipe » ? Est-ce un programme ? 

Il y a tellement de contenus différents à la BBC que les équipes sont de nature variée. Le journal de 18 et de 22 heures, c’est une équipe. BBC News Channel aussi. Mais nous avons aussi des orchestres qui sont impliqués. Par exemple, le Scottish Symphony Orchestra est une équipe. BBC News Online est une autre équipe. Vous avez l'émission Jeremy Vine, qui est une émission de radio sur Radio 2 : c'est une autre équipe. Donc, cela dépend vraiment du contenu. 

Quelle est l’ampleur actuelle du programme par rapport à l’ensemble de la BBC ?

Il y a au moins une équipe impliquée dans chaque division de la BBC : drame, comédie, radio en ligne, news... partout où vous pouvez contrôler le contenu et les communications, nous le mettons en place. Notre équipe de communication interne et notre service de presse le font également. Nous adaptons et personnalisons notre approche en fonction des besoins de l'équipe elle-même. Il est évident que vous ne surveillerez pas un article de texte de la même manière que vous surveillez une émission de radio. Et les perceptions changent en fonction du canal.

Or le projet 50/50 est un projet qui concerne la perception. Il n'est pas basé sur le fait de remplir des formulaires. C'est l'une des raisons pour lesquelles nos créateurs de contenu trouvent qu'il est facile de le faire parce qu'il n'y a pas de paperasse. C'est juste un système de comptage. 

Tu as demandé tout à l'heure quelles étaient les résistances en interne et comment nous avons fait participer ces personnes réticentes. Aujourd'hui, le système prend tellement d'ampleur qu'on se sent un peu à côté de la plaque si on n'en fait pas partie, et de nouvelles équipes se joignent à nous pour cette raison...dans l’idée que si tout le monde le fait, alors peut-être que nous devrions le faire aussi. 

Il reste encore des gens pour dire : « nous avons déjà beaucoup de femmes dans notre programme ». En général, je me tourne vers eux et je leur demande : « Ah oui ? Mais comment le savez-vous ? » Ils me répondent : « Comment ça, comment je le sais ? Je le sens. » Ce n'est pas suffisant. Vous devez être capable de comprendre à quoi ressemble votre programme et quelle en est la composition réelle. 

Un autre argument souvent avancé, c’est qu'il n'y a tout simplement pas de femmes expertes dans le domaine concerné. Et là je leur dis : « Ah oui ? Mais comment le savez-vous ? » Et on me répond : « Comment ça ? Nous mettons toujours les meilleurs experts à l’antenne, et ce ne sont pas des femmes. » Et je leur rétorque : « Comment savez-vous qu’il n’y a pas de femmes dans le domaine ? Avez-vous cherché ? Avez-vous fait des recherches pour trouver les contributeurs potentiels ? » Et c’est drôle, il y a toujours ce moment de silence où on entendrait presque le petit déclic qui se produit dans leur cerveau quand ils réalisent qu'en fait, non, ils n’ont pas fait de recherche et se sont seulement contentés de toujours faire venir le même expert depuis des années. 

Il est temps de commencer à chercher : qui d'autre peut prendre la parole ? C'est vraiment un grand moment. J'adore quand se produit ce déclic dans la tête des créateurs de contenu. C'est absolument génial. 

Et puis il y a l’argument économique. Je suis convaincue c'est le plus puissant pour les personnes qui estiment qu'il n'est pas nécessaire d'augmenter la représentation des femmes. En tant que femmes, nous représentons 50 % de la population mondiale, en fait, 51 % de la population mondiale. Et si vos contenus ne les reflètent pas, vous ne risquez pas d’attirer plus de femmes vers vos contenus. 

L'une des choses vraiment intéressantes que nous avons constatées ces deux dernières années, c'est que le public constate une augmentation de la représentation des femmes dans les contenus de la BBC, et cela a un effet vraiment positif. 32 % des femmes de 24 à 35 ans consomment plus de contenus en ligne de la BBC.

Nous avons constaté dans notre public cible, parce que nous essayons d'attirer plus de jeunes à la BBC (16 à 24 ans), que 40 % d'entre eux apprécient davantage le contenu grâce à cela. Donc s'ils apprécient davantage le contenu, il est probable qu'ils y reviennent. C’est assez imparable comme argument. Même si vous vous fichez de la représentation des femmes, il y a quand même un vrai intérêt économique à le faire.

C'est intéressant. Cela me ramène à la méthodologie dont tu as parlé plus tôt, lorsque tu as dit que Boris Johnson et Theresa May ne comptaient pas, mais seulement celles et ceux qui les couvrent. Mais en fait, ce qu’est une « information », ça n'est pas aussi clair qu'on pourrait le penser ! Le fait que quelque chose (quelqu'un) soit couvert ou non est le fruit de choix. Et ces choix peuvent changer en fonction de la personne qui les fait. La couverture de l'actualité a-t-elle changé de quelque manière que ce soit ? Les sujets eux-mêmes ont-ils changé en même temps que les personnes qui les couvrent ? En gros, comment cela a-t-il affecté la définition de l’information ?

Oui, c'est une très bonne question. Nous avions l'habitude de mettre les sujets « frivoles » à la fin du bulletin d’information d'une demi-heure, or ces sujets étaient souvent ceux avec le plus de femmes dedans. Ça a changé. Il y a une meilleure compréhension du fait que les histoires qui concernent spécifiquement les femmes doivent être placées plus haut dans les grilles éditoriales. Donc oui, la sélection des sujets change. Je pense que cela est dû en grande partie à des initiatives comme l'émission 100 Women de la BBC, qui se penche sur des sujets comme les violences faites aux femmes. Mais il y a une autre raison pour laquelle la sélection des sujets change : en parlant à plus de personnes que celles qu’on allait toujours voir, on trouve de nouveaux sujets !

C'est aussi simple que cela. Plus on parle à des gens différents, plus la diversité des conversations est grande, plus on a de chances de tomber sur des histoires, des sujets différents. Mon exemple préféré, c’est celui de notre service vietnamien, BBC Viet. Quand ils ont commencé à participer à 50/50, ils avaient moins de 20 % de femmes à l’antenne. Et il a fallu les convaincre que c'était une bonne idée de commencer à chercher de nouvelles voix féminines.

Mais à un moment donné, ils ont atteint 80 % de représentation féminine en un mois. Et nous avons dû les avertir qu’ils étaient allés trop loin et leur demander ce qui se passait. Comment êtes-vous passés de 20 % à 80 % de représentation féminine ? Et ils ont dit : « Eh bien, nous trouvons toutes ces histoires passionnantes dont nous ignorions l'existence » parce qu'ils s'adressaient à un public différent et à un groupe différent de contributeurs.

Ils ont finalement fait baisser ce chiffre. C'est revenu à 50/50, qui est le nom du projet. Ce n'est pas le projet 100 % femmes. C'était donc vraiment super de voir ça. C'est formidable de regarder au-delà de son cercle et d'aller plus loin. Tout d'un coup, un nouveau monde s'ouvre à vous.

C'est très inspirant. C'est comme les livres d'histoire : si vous n'avez que des hommes qui écrivent l'histoire, vous passez à côté de tant de choses qui font aussi l'histoire.

Dans quelle mesure est-ce que le comptage en lui-même représente aujourd’hui une information en tant que telle ? Une journaliste française [Alice Coffin] a écrit récemment que lorsqu’elle mentionnait, il y a dix ans, le ratio hommes/femmes parmi les réalisateurs à la sélection du festival de Cannes, on lui disait que c’était de l’activisme et pas une information. Ça  a changé. Aujourd'hui, le nombre de femmes dans un festival est considéré comme une information. Dans quelle mesure le comptage peut-il apporter un changement réel ?

J'aime collecter et analyser des données. Pour moi tout ça peut relever de l’information. Mais je pense que la raison principale pour laquelle le comptage a un pouvoir de transformation, c’est qu'il oblige les gens à rendre des comptes. Si les chiffres n’évoluent pas, c'est que quelque chose ne va pas.

Nous aimons tous les bonnes nouvelles en matière de chiffres. Il y a toujours des médias pour couvrir l’augmentation de la représentation des femmes dans un secteur ou une organisation donnée. Vous pouvez aussi vous pencher sur l'écart de rémunération entre les sexes là où il y a une disparité. Il existe des données qui obligent les gens à rendre des comptes. Là où l'écart de rémunération entre hommes et femmes ne s'améliore pas (je n'ai pas les données précises pour dire où on se trouve à ce sujet), eh bien, c’est une information, et on demandera des comptes. 

Il s'agit d'une question de responsabilité. C'est pour ça que je crois vraiment que le plus grand nombre possible d'organisations doivent être transparentes sur ce qui se passe en interne. C'est pourquoi notre nouveau directeur général, Tim Davie, a annoncé en octobre que cette année, lorsque nous aurons notre challenge 50/50 en mars, nous invitons nos partenaires extérieurs à publier également leurs données 50/50 avec nous. Je suis très enthousiaste à ce sujet, car je pense que cela montre un engagement réel. Cela montre l’intérêt sincère de ces organisations pour l'amélioration de la représentation des femmes. Elles posent des jalons et devront s'assurer qu'elles apporteront les changements nécessaires l'année suivante.

Pendant la pandémie, dans les médias français, allemands, mais aussi américains, environ 80 % des experts, médecins, etc. interrogés étaient des hommes. Il y a généralement un écart entre les sexes, mais cet écart s'est aggravé pendant la pandémie. Je ne sais pas s'il y avait quelque chose de ce genre dans les médias britanniques. Comment la BBC a-t-elle résisté à cela ? Comment avez-vous fait pour faire autrement ? Et comment expliquez-vous cette aggravation globale de l’écart en matière de représentation pendant cette crise ?

J'ai examiné les six derniers mois de données 50/50 et, en fait, dans toutes nos divisions et équipes impliquées dans le projet 50/50, il y a eu une augmentation de 9 % de la représentation des femmes au cours de cette période. Il est évident que nous ne comptons pas les responsables scientifiques ou personnalités politiques impliquées. Or cela a évidemment un impact sur la (non) visibilité des femmes dans l’actualité. Mais ce n'est pas quelque chose qu’il est en notre pouvoir de changer en tant que média. C'est quelque chose qui doit changer culturellement dans les mondes de la politique et de la médecine. 

Mais le fait que toutes nos équipes examinent consciemment la composition de nos contenus et essaient d'atteindre cet équilibre 50/50, cela a un impact sur ce que nous voyons à l'écran. La sélection des sujets y contribue également. Nous nous sommes beaucoup concentrés sur les soins de santé et les services sociaux, qui au Royaume-Uni reposent sur une main-d'œuvre féminine plus importante que dans d'autres secteurs. C'est très différent d'un pays à l'autre. C'est une question de culture. Les cultures dans ces domaines particuliers devront changer si vous voulez voir cette augmentation de la représentation. 

L’idée selon laquelle la diversité conduit à un plus large éventail de points de vue et à un plus grand nombre de sujets abordés et que le contenu est amélioré quand il reflète mieux la population, c’est une idée encore « radicale » en France et en Allemagne. Les Français comme les Allemands pensent vivre dans une méritocratie et les experts interviewés sont forcément les « meilleurs ». C’est un pur hasard si ce sont presque exclusivement des hommes. Il est donc très difficile de faire valoir les arguments que tu viens de présenter. As-tu des conseils à donner pour mieux convaincre ? L’argument économique est-il le plus efficace ?

Absolument. L’argument économique est imparable. Si la culture n'a pas changé, alors il faut parler d'argent. Et nous pouvons prouver qu'en augmentant la représentation des femmes, on attire plus de nouvelles personnes vers son contenu. Ce serait donc mon point de départ. 

Est-ce que ce sont des données qui ont été rendues publiques à la BBC ? Est-ce quelque chose que nous pouvons tous trouver en ligne pour l’utiliser comme preuve ?

Oui, absolument. Et concernant l’industrie cinématographique, l'Institut Geena Davis a mené de très bonnes études sur la façon dont, si l'on reflète les femmes dans les films, on a plus de chances d'attirer un plus large public vers ces films. Il y a beaucoup d'éléments qui peuvent servir à étayer l'argument économique.

Dans d'autres secteurs, organisations, ressources humaines, dans divers secteurs comme la technologie ou la finance ou le secteur bancaire, ils ont cet argument que la raison pour laquelle il y a si peu de femmes, c’est qu’il n'y a « pas de pipeline ». C'est généralement l'expression qui est utilisée. Nous aimerions embaucher plus de femmes, mais il n'y en a tout simplement pas assez pour le faire. Alors comment le projet 50/50 de la BBC peut-il aider ? Peut-il servir de modèle à d'autres types d'organisations ?

Le programme 50/50 concerne les contenus, la communication. Nous avons un peu plus de 75 partenaires dans 22 pays, non seulement dans les médias, mais aussi dans le monde des entreprises. Et ce que font ces organisations, c'est qu'elles utilisent le programme 50/50 dans leurs communiqués de presse, leurs événements et, bien sûr, dans leur communication interne également. Mais le résultat est qu'elles doivent regarder de près leur entreprise pour voir où se trouvent toutes ces expertes qu'elles peuvent mettre en avant dans ces contenus et événements. 

Et ce faisant, elles identifient les lacunes de leurs ressources humaines. À ce stade, les données leur permettent de déterminer où se situent ces lacunes. Elles ont alors la possibilité, si elles le souhaitent, d'intervenir en amont. La Fondation Gates a récemment commandé un travail à ce sujet. On y parle de la nécessité de consacrer des ressources plus importantes. Vous devez créer la « pipeline ». Il faut que plus de femmes participent à des programmes de leadership. Par exemple, à la BBC, nous avons des douzaines de programmes pour aider les groupes sous-représentés à progresser dans leur carrière. La seule solution est d'intervenir en amont et de se donner des moyens importants. C'est la raison pour laquelle notre unité existe.

Ce qu’il faut, c’est que ces entreprises aillent de l'avant, qu'elles mettent les ressources nécessaires pour que des bases solides puissent être construites et des politiques structurées. Sinon, il n’y aura pas plus de femmes dans ces organisations. Avec 50/50, les organisations doivent identifier les bonnes personnes qui pourraient contribuer et être visibles à l'extérieur. Elles doivent identifier les personnes qu'elles pourraient accompagner et soutenir dans leur propre organisation pour les aider à progresser, et éventuellement accélérer leur carrière.

C'est un vrai processus de transformation. Aujourd'hui, il y a peu de femmes dans le secteur de la technologie parce qu'elles voient peu de modèles. Elles ne voient pas de femmes visibles en qui s'identifier. Le programme 50/50 peut changer les choses en incitant les organisations concernées à mettre en avant leurs modèles féminins forts pour les médiatiser afin qu'elles deviennent plus visibles. Et, ça peut inspirer une petite fille à devenir ingénieure demain.

Ça me fait penser à un excellent exemple. Nous avons un présentateur météo appelé Matt Taylor, et il essaie depuis toujours de faire jouer ses filles au football. Et puis quand la Coupe du monde de football féminin a eu lieu et qu'elle a été si populaire au Royaume-Uni, ils ont regardé la Coupe du monde de football féminin en famile et après, les filles ne voulaient plus rien faire d’autre que jouer au football. C'est le pouvoir de l'exemplarité. Et c'est ce que tous ces secteurs doivent faire pour essayer d'attirer plus de femmes dans ces domaines particuliers.

Le football féminin est un excellent exemple car cela a fonctionné dans de nombreux pays. Tout d'un coup, c'est devenu un truc énorme en France et en Allemagne où il y a maintenant une équipe de football féminin dans la plupart des écoles. Cela a vraiment changé très vite. 

Cela m'amène à une question sur le sport. Y a-t-il une équipe qui s’occupe de sport ? Les sports les plus médiatisés, qu'il s'agisse de football ou de formule 1, sont souvent plus masculins. Il y a bien quelques événements alternatifs qui émergent dans le monde du sport. Dans quelle mesure la BBC est-elle proactive lorsqu'il s'agit de promouvoir le sport féminin ?

Tous nos programmateurs sportifs (TV, radio et en ligne) participent à 50/50 et ils ont fait un travail remarquable. Ils ont commencé très bas quand ils ont rejoint le programme. Aujourd'hui, la représentation des femmes est d'environ 40 %. Je ne suis pas sûre du taux de départ, mais je pense que c’était environ 10%.

Ces équipes ont donc fait d'énormes progrès. Il n'y a pas d’obligation, mais de manière informelle, elles parlent de la nécessité d'inclure au moins une femme dans chaque bulletin sportif. Quand vous commencez à faire cela, encore une fois, vous cherchez des sujets différents. Vous avez des mentalités différentes. Cela a vraiment eu un impact positif. Nos équipes sportives sont vraiment à fond. Elles aiment aussi la partie compétitive du programme 50/50. Ce n'est pas seulement la BBC, mais toutes sortes d'homologues dans les médias. Beaucoup de médias de sports utilisent également le programme 50/50 pour opérer le même changement. J'espère que, dans quelques années, lorsque nous ferons une nouvelle interview, il y aura de grands changements dans le monde du sport. 

Jusqu'à présent, ce qui est décrit comme une amélioration, c’est qu’il y a plus de femmes pour couvrir et commenter … le sport masculin. Par exemple, en ce qui concerne le football, personnellement, j'aimerais voir plus de football féminin, et pas seulement plus de femmes parlant de football masculin. C'est toujours cette question de Boris Johnson et Theresa May qui ne comptent pas, n'est-ce pas ? 

Oui, c’est vrai, on ne peut pas ne pas couvrir le football masculin. C'est une institution trop importante dans notre pays. Mais maintenant, nous couvrons aussi le football féminin. Donc le changement viendra. Toutes les équipes s'assurent que le sport féminin est aussi présent.

Tu as dit quelque chose de très inspirant sur la façon dont le fait de commencer par la visibilité peut aboutir à une transformation profonde. Tu as mentionné cette idée que voir, c'est croire. Lorsque tu vois quelqu'un à qui tu veux ressembler, cela peut t’inspirer à devenir comme cette personne. Cela m'amène à ma question suivante. En ce qui concerne certaines des organisations qui travaillent en partenariat avec vous à la BBC, penses-tu que le fait de commencer par l'image peut vraiment changer les choses ? Il y a toujours des critiques qui disent que ce n'est que de l’image, du « diversity-washing » en quelque sorte. Comment s'assurer que l’image a un impact sur la réalité ?

Oui, excellente question. Avant qu'une personne puisse devenir partenaire de 50/50, nous effectuons de nombreux contrôles préalables. Nous voulons nous assurer que cette organisation a déjà mis en place des politiques pro-diversité. Nous voulons nous assurer qu'elle réduit l'écart entre les sexes en matière de rémunération. Nous posons donc ces questions avant de les accepter comme partenaires. Quelle est la composition de leurs équipes dirigeantes ? Ont-elles fait des progrès en matière de leadership avant de rejoindre 50/50 ? Parce que nous voulons qu’elles soient passionnées et qu'elles n'utilisent pas cela, comme tu dis, pour faire du diversity-washing

Ensuite nous restons avec l'organisation pour la soutenir tout au long d’une saison 50/50. Nous restons donc avec elle pendant au moins 12 à 18 mois. Après 18 mois, vous faites toujours partie de la famille 50/50, mais c'est à ce moment-là que vous devriez être autonome et voler de vos propres ailes. Tout au long de cette première année (ou des 18 premiers mois), vous devrez vous assurer que tout est mis en œuvre, que le changement se produit réellement dans l'organisation. Et il n’y a pas besoin d'atteindre 50% de femmes si ce n'est pas à quoi ressemble votre organisation. Dans ce cas, vous ne devez pas essayer d'atteindre 50% de femmes, car vous donneriez alors une fausse image de votre organisation.

L’une des choses qu’on a vues avec Black Lives Matter, c'est que beaucoup de gens font ces déclarations disant qu’ils sont contre le racisme. Mais ce qui se passe en coulisses est plus important. Est-ce qu’un an après, cette organisation ou personne dit toujours la même chose, mais n'a pas pris de mesures ou n'a pas apporté de changement ? Et c'est là que les médias doivent intervenir. Nous devons nous responsabiliser et responsabiliser les autres organisations.

Oui. Parmi les multiples partenaires qui ont participé, quels sont les meilleurs exemples de réussite dont tu aimerais parler ?

Je vais choisir ABC Australie. C'était l'un de nos premiers partenaires. Ils ont créé un défi de 10 semaines pour leurs 40 équipes. Ils sont vraiment engagés sur la représentation femmes-hommes au sein de leur organisation. Bien sûr, ils se joindront aussi à nous pour le défi du mois de mars. Ils jouent le jeu. Ils ont adopté un modèle très similaire à celui que nous avons adopté à la BBC. Ils ont investi des ressources dans la création d'un poste de direction 50/50 au sein de leur organisation.

C’est génial de voir qu'ils créent cette équipe pour continuer à conduire le changement. Ils nous ont également rejoints dans la prochaine phase de 50/50. Comment prolonger cela sur la diversité ethnique et l’inclusion du handicap ? ABC Australie a examiné la question sous l'angle de l'ethnicité. Et pourtant, leur système est différent de celui du Royaume-Uni. Ils ont de nombreux problèmes juridiques différents. Les lois sur la protection des données sont différentes selon le pays dans lequel vous vous trouvez. Mais ce que nous avons appris, parce que nous faisons ça ensemble, c'est que nous suivons un chemin très similaire. Lorsque nous aurons déterminé quels sont ces points communs, nous aimerions les partager avec d'autres organisations. 

Cela n'entre pas en ligne de compte pour le genre, mais c'est le cas quand il s’agit des données sur les autres catégories, ce que nous appelons au Royaume-Uni les données de catégories spéciales, telles que le handicap et l'ethnicité.

Oui, nous avons ce problème en France. Nous ne sommes pas autorisés à recueillir des données sur l'origine ethnique. C'est un énorme défi d'améliorer la diversité parce que c'est quelque chose qu'on ne peut pas compter et donc on ne peut rendre personne responsable parce qu'il n'y a pas de données. Notre temps est presque écoulé. Mais si tu as encore une minute, peux-tu répondre à une dernière question ? Quels sont tes espoirs et tes ambitions pour 2021, sur le plan personnel et professionnel ?

Personnellement, je voudrais retourner au bureau. Je sais que ça peut paraître bizarre, mais le trajet quotidien me manque parce qu'en fait, c'était une pause, c’était le moment où je lisais un livre ou que j’arrêtais de travailler. Je voudrais donc que cela revienne dans ma vie. 

Sur le plan professionnel. Je veux juste continuer à voir grandir le programme 50/50. Je veux que beaucoup d'autres organisations se joignent à nous, collaborent avec nous pour accroître la représentation des femmes et, je l'espère, passent également à la phase suivante avec nous. Je pense que ce n'est que par la collaboration et la passion que nous pouvons vraiment opérer ce changement. Nous devons mieux refléter et représenter le monde tel qu’il est. C'est ce qui me passionne vraiment.

J'espère que de nombreux partenaires européens rejoindront le programme 50/50 prochainement, y compris des partenaires français. Je tâcherai de t’en envoyer ! Merci beaucoup, Nina, pour cette conversation inspirante.

Oh, merci beaucoup. Ce fut un plaisir de te parler. Reparlons dans quelques années pour faire le point  !


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(Générique : Franz Liszt, Angelus ! Prière Aux Anges Gardiens—extrait du disque Miroirs de Jonas Vitaud, NoMadMusic.)

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