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🇨🇳 "The Party", de Richard McGregor
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Nous autres Occidentaux pensons que pour en savoir plus sur la vie politique d’un pays et ceux qui le dirigent, il suffit de lire les journaux et quelques livres consacrés à l’actualité. Cette approche, malheureusement, n’est pas possible en Chine. Celle-ci n’est pas une démocratie (elle ne fait même pas semblant de l’être, contrairement à beaucoup d’autres pays soumis à un régime autoritaire). Et la liberté de la presse n’y a pas cours : aucun journaliste en Chine ne se risque à consacrer une ligne au dessous des cartes du régime, de peur d’être confronté à la censure, voire à la prison.

Dans ce contexte de manque de visibilité totale, des livres comme The Party, écrit par le journaliste australien Richard McGregor en 2010 (c’est-à-dire avant l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping), sont particulièrement précieux.

AUSTRALIA: JOURNALIST RICHARD McGREGOR WRITES OF “ASIA'S RECKONING ...

Le livre de McGregor, aujourd’hui Senior Fellow au Lowy Institute, sort du lot pour deux raisons :

  • D’une part, il ne s’agit pas d’un livre sur la Chine en général, comme c’est trop souvent le cas des ouvrages publiés en France sur le sujet, mais bien d’un livre consacré au Parti communiste chinois – ou, plus exactement, comme le sous-titre l’indique, au “monde secret des dirigeants communistes chinois”.

  • D’autre part, McGregor a passé huit ans à sillonner la Chine et à rencontrer des cadres du Parti en tant que correspondant local du prestigieux quotidien britannique The Financial Times. McGregor allie ainsi l’expérience du terrain avec la rigueur et la clarté d’expression caractéristique de son employeur et de la grande tradition journalistique anglo-saxonne.

Une immense organisation

La première chose à retenir de l’ouvrage, c’est l’importance du Parti communiste comme point d’entrée pour comprendre la Chine. On présente souvent Xi Jinping comme “le président de la République populaire de Chine”. Mais ceux qui connaissent bien la Chine rappellent volontiers que la fonction la plus importante de Xi est celle de “secrétaire général du Parti communiste”. Car, en Chine, le Parti prime sur l’Etat, et la politique locale est beaucoup mieux décryptée au prisme du Parti et de ses cadres qu’à celui de l’administration et de ceux qui la dirigent.

Une deuxième chose importante, c’est que le Parti est une immense organisation. On dit qu’il compte plus de 80 millions de membres (un adulte sur 12), qui ont des responsabilités d’encadrement ou animent la vie du Parti à tous les échelons et dans toutes les dimensions de la société chinoise : dans l’administration, bien sûr (à Pékin, dans les provinces, mais aussi dans les villes et villages de tout le pays), mais aussi dans les universités et même les entreprises ! En Chine, toute organisation est tenue d’accueillir en son sein une cellule du Parti, qui constitue une sorte d’organigramme miroir. Tout dirigeant, qu’il soit du secteur public ou du secteur privé, a un correspondant direct au sein du Parti !

Le fait que le Parti se ramifie ainsi au plus profond de la société chinoise est souvent perçu comme une manière de contrôler la société. C’est par ce biais, évidemment, que les dirigeants communistes scrutent le comportement des uns et des autres et vérifient la conformité à la ligne du Parti.

Ce que nous comprenons moins bien, c’est que l’omniprésence du Parti dans toutes les sphères de la société est aussi une manière, pour Pékin, d’être averti de ce qui se passe dans le pays. Pour un régime autoritaire comme celui de Pékin, cette “sensibilité” à tout ce qui se passe est absolument vitale. Comme les Chinois ne peuvent pas exprimer ce qu’ils pensent en participant à des élections, il est important de se mettre à leur écoute d’une autre manière – en l’occurrence, en multipliant les points de contact et en faisant remonter ces “notes d’ambiance” qui permettent à Pékin de savoir à tout instant comment va le pays et quel est l’état d’esprit de ses habitants. Pour survivre et grandir, le Parti a besoin de stabilité et celle-ci ne peut pas être imposée par la force : il faut allier une amélioration continue du niveau de vie (d’où l’importance de la stratégie de développement économique) et une capacité à savoir ce qui se passe sur le terrain et comment les Chinois se sentent au quotidien.

Le déroulement des carrières au sein du Parti

Une autre contribution majeure de l’ouvrage de McGregor est la façon minutieuse dont il décrit le déroulement des carrières au sein du Parti communiste chinois. Une autre erreur de perspective que font beaucoup d’Occidentaux lorsqu’ils observent la Chine, c’est de penser que tout y est gouverné d’une main de fer depuis Pékin. La réalité est beaucoup plus nuancée. Chaque dirigeant du Parti, à tous les échelons, est à peu près le maître dans son royaume. Le mandat que lui donne le Parti est univoque : il faut faire remonter des informations et préserver à tout prix la stabilité. Si les prix montent trop vite, si les emplois sont trop rares ou si la corruption est trop visible, cela contribue à dégrader l’image du Parti auprès des citoyens. Le dirigeant local va alors faire l’objet d’évaluations négatives : sa carrière va stagner et, si on découvre des malversations, il risque fort de finir sa vie en prison. 

A l’inverse, un dirigeant local va accéder à de plus hautes responsabilités – et, au passage, enrichir sa famille – s’il obtient les résultats qu’on attend de lui : une augmentation du niveau de vie dans sa ville ou sa province, pas trop de mécontentements et de manifestations de citoyens en colère, pas de corruption et d’enrichissement personnel étalés au grand jour. Tous les dirigeants connus du Parti, à commencer par Xi Jinping lui-même, ont couru ce marathon : leur carrière a débuté à la tête d’une cellule locale au fin fond des campagnes, puis ils ont pris du grade jusqu’à diriger le Parti à l’échelle d’une ville, d’une province, d’un ministère… avant de finalement rejoindre le Comité central à Pékin.

Un parallèle avec l’administration française ?

À bien des égards, la carrière des cadres du Parti n’est pas sans rappeler celle des préfets en France (la corruption et l’enrichissement en plus) : on commence jeune dans une sous-préfecture ; on prend du grade pendant des décennies ; les meilleurs finissent à la tête d’une préfecture de région ou d’une grande administration à Paris ; à toutes les étapes, les performances sont scrutées par une équipe spécialisée chargée d’évaluer les capacités et de recommander les promotions.

En cela, le Parti emprunte beaucoup à la tradition administrative chinoise : celle des fameux “mandarins” de la Chine impériale. Ce n’est pas un hasard si tout cela nous est familier à nous Français : notre administration et notre système de promotion des dirigeants en son sein ont été façonnés par Napoléon qui s’inspirait directement du modèle administratif chinois !

Une raison de plus de lire The Party par Richard McGregor 🇫🇷



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