✍️ Nouveau Départ, Nouveau Travail. Voici un nouvel article de ma série “Nouveau Départ, Nouveau Travail” où je partage, par écrit, des réflexions sur les mutations du travail, inspirées par l’actualité, des expériences vécues ou mes lectures du moment. Je me suis fixé le défi de vous proposer des articles courts et percutants 💡
Le 15 janvier paraît en librairie Ceux qui reviennent. Quitter Paris pour retourner vivre dans son territoire d’origine, un livre passionnant de Pauline Rochart publié aux éditions Payot. Avec un regard affûté et une plume empreinte d’humour, cette « sociologue de l’expérience » explore un phénomène en plein essor : ces Français qui, après des études et une partie de carrière dans la capitale, choisissent de revenir s’installer dans leur ville ou région d’origine.
Une expérience personnelle au service d’une enquête sociologique
Née près de Dunkerque, Pauline Rochart est elle-même une revenante. Après être « descendue » à Paris pour des raisons professionnelles, elle est retournée à Dunkerque avec sa famille après la pandémie. Cette trajectoire personnelle lui a ouvert les yeux sur les enjeux du retour au pays. Elle a aussi échangé avec de nombreux revenants pour analyser ce phénomène. Dans son ouvrage, elle entremêle son analyse et les réflexions et récits des autres revenants avec lesquelles elle a conversé.
Ces mobilités géographiques ne sont pas complètement nouvelles, mais leur nature change à mesure que le travail et l’économie évoluent. La révolution numérique a densifié les grandes métropoles. Elle les a également rendues inaccessibles à beaucoup de travailleurs en raison des coûts prohibitifs du logement. Aujourd’hui, le télétravail, les nouvelles réalités démographiques et culturelles changent la donne. Il existe des possibilités nouvelles, comme celle de revenir tout en gardant le même travail, parfois en combinant des trajectoires professionnelles différentes au sein d’un même foyer.
Le retour, un phénomène hybride
Depuis la crise sanitaire, ces mobilités semblent s’être accélérées. Peu d’individus quittent les grandes villes pour vivre exclusivement en zone rurale : la majorité se déplace vers la périphérie ou vers une autre métropole. Cependant, ces mouvements traduisent des évolutions profondes et révèlent une quête de sens et de tribu, comme l’illustre le cas des jeunes parents qui retournent près de leur famille pour bénéficier de réseaux d’entraide familiale (et notamment pouvoir faire garder leurs enfants par leurs parents).
Pour Pauline Rochart, les revenants incarnent une forme d’hybridation. Cette transformation intime est une grande richesse, car elle permet aux revenants de tisser des liens entre différentes cultures, classes sociales et modes de vie.
« Le retour est un phénomène d’hybridation. Et s’hybrider, c’est accepter de se laisser questionner, chambouler par l’autre. Depuis que je suis rentrée, je suis sûre d’une chose : j’ai toujours des convictions, mais de moins en moins de certitudes. »
Un antidote à la « fracture territoriale »
Dans un contexte médiatique qui exacerbe la polarisation, le livre de Pauline offre un contrepoint salutaire. Non, la France n’est pas uniquement peuplée d’enragés à l’image de certains réseaux sociaux (comme Twitter). Non, le pays n’est pas forcément « archipellisé » comme le suggère l’essayiste Jérôme Fourquet.
Les revenants démontrent que la dichotomie entre les « somewhere » (ceux qui sont ancrés à un territoire) et les « anywhere » (les citoyens du monde) est trop simpliste et largement fausse. Elle nie la complexité sociologique qui fait toute la richesse des communautés.
« Ceux qui reviennent ne sont plus les mêmes : ni d’ici ni d’ailleurs, ils sont les plus à même de penser ce qui nous lie plutôt que ce qui nous oppose. »
Retour au pays : un voyage intime et collectif
Comme le rappelle Pauline, le retour est bien plus qu’un déplacement géographique. Il s’agit d’un voyage intime qui pousse à revisiter son histoire personnelle et à s’interroger sur ses valeurs profondes.
« Celles et ceux qui ont fait l’expérience du retour au pays ont fait l’expérience d’un voyage intérieur. Le déplacement géographique est aussi un déplacement intime. »
Moi-même, en tant que revenante d’expatriation et fille de parents de nationalités et cultures différentes, je me retrouve dans son propos. Après dix ans passés en Angleterre puis en Allemagne, je me suis redécouverte plus attachée à la France que je ne l’imaginais. J’avais cru être une « citoyenne du monde » pour finalement me sentir de quelque part.
Le retour implique aussi d’affronter les regards, celui des autres mais aussi le sien. L’espace et le temps sont si liés qu’on associe généralement les lieux à des moments de notre vie. On peut donc percevoir le retour comme un retour en arrière, une régression ou un échec. C’est notamment ce que ressentent de nombreux revenants d’expatriation. Ainsi, pour dépasser l’idée de la régression, il est nécessaire de poursuivre le voyage mental, culturel et social.
Un livre salutaire, empreint d’empathie
Au fil des pages, Pauline Rochart ne se contente pas d’analyser les trajectoires professionnelles et les dynamiques territoriales. Elle offre un livre sur l’écoute et l’attention à l’autre, plein d’une douce sagesse faite d’empathie et de nuance. En citant la philosophe Simone Weil, elle rappelle que : « L’enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine. » Ce livre est une invitation à revisiter nos perceptions et à explorer ce qui nous relie. Une lecture essentielle.
Avec Pauline, nous avons enregistré plusieurs podcasts Nouveau Départ. Ils ont entre 18 mois et deux ans mais ne sont en rien périmés ! 🎧
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Qui nous sommes
Laetitia | Cofondatrice de la société Cadre Noir, collabore avec Welcome to the Jungle, autrice de Du Labeur à l’ouvrage (Calmann-Lévy, 2019) et En finir avec la productivité. Critique féministe d’une notion phare de l’économie et du travail (Payot, 2022).
Nicolas | Cofondateur de la société The Family, ancien chroniqueur à L’Obs, auteur de L’Âge de la multitude (avec Henri Verdier, Armand Colin, 2015) et Un contrat social pour l’âge entrepreneurial (Odile Jacob, 2020).
Nous sommes mariés depuis 17 ans. Après avoir vécu près de 10 ans à Londres puis à Munich, nous sommes revenus en France en août 2024. Nouveau Départ est le média que nous avons conçu ensemble au printemps 2020 pour mieux nous orienter dans l’incertitude.
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